Anne-Laure Delaye – La poésie des marchés

ROMAN

Albin Michel 

Parution le 5 janvier 2023

Anne-Laure Delaye est analyste marchés énergie. Son premier roman nous introduit dans cet univers d’experts, plutôt opaque pour le grand public, où l’on décortique au quotidien le prix du quota de CO² et le signal prix. Dans le monde des traders et des analystes, l’art a-t-il sa place comme semble le suggérer l’oxymore du titre ?

Anne-Laure Delaye - La poésie des marchés - Albin Michel - Chronique dans le magazine DiversionsAvec l’augmentation du coût des énergies, voici un ouvrage pile dans l’actualité. Pourtant La poésie des marchés est tout sauf un roman déprimant, l’autrice raillant gentiment le monde de l’entreprise et ses petits travers (qui n’a jamais eu affaire à un responsable de l’informatique totalement déprimé ou assisté à des séminaires bidons devant cocher les cases parité, diversité, vivre ensemble ?). Si Lucie Shaft passe ses journées parmi les tableaux et les courbes, elle relâche la pression en créant des collages où elle recycle tous ces graphiques pour en faire des œuvres d’art. L’analyste/artiste (contrariée ?) peut aussi compter sur quelques collègues pour trouver le temps moins long. Entre « une réunion sur la conduite des réunions » et un concours innovation, les employés de Vega Énergie vont s’atteler secrètement à un projet fou : faire entrer l’art dans l’entreprise. Mais la poésie peut-elle trouver sa place dans « ce monde en tourbillon » de l’économie de marché ?

Faisons confiance à Lucie pour chercher la solution à cette autre question qui la taraude : « […] je me demandais si le monde était aussi policé et fermé qu’on voulait nous le faire croire ». Anne-Laure Delaye fait brillamment cohabiter dans son roman les deux univers des marchés et de l’art, aidée en cela par le personnage de Franck, artiste urbain atterrissant clandestinement à Vega Énergie. Sera-t-il le grain de sable qui fera dérailler la machine bien huilée ? « Rien ne pouvait me bercer davantage que la pensée que nos bureaux stériles étaient habités par un être vivant capable de colorer les trottoirs », souligne Lucie. Dans la morosité ambiante, entre crises environnementales et énergétiques, Anne-Laure Delaye nous laisse entrevoir ce que serait un monde où l’art est davantage qu’un simple divertissement ou procédé de team building, parsemant son roman de haïkus, et opposant au monde de l’entreprise (qui tire parfois vers l’absurde) une porte vers l’imaginaire, un remède au « brouhaha technique » qui a fini par nous éloigner de la nature. Un simple iguane (répondant au doux prénom de Robert) et quelques préceptes nietzschéens pourraient même nous aider à voir le monde différemment…

Dominique Demangeot

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