Simon Lamouret – L’Alcazar

BANDE DESSINÉE

Sarbacane

Durant cinq ans, Simon Lamouret a donné des cours dans une école privée française de design en Inde. Après Bangalore (Warum, 2017), où il nous faisait part de son expérience dans cette ville de 8,5 millions d’habitants dans le Sud de l’Inde, l’auteur est de retour dans le pays-continent avec L’Alcazar. On y découvre le mode de vie de travailleurs et de travailleuses sur un chantier.

Simon Lamouret - L'Alcazar - Sarbacane - Chronique bande dessinée

Comme avec Bangalore, Simon Lamouret officie à la fois au dessin et au scénario pour L’Alcazar. Il faut dire qu’il a donné de sa personne pour approcher au plus près le quotidien des travailleurs indiens ! Se faisant passer pour un étudiant en architecture, il a côtoyé ces derniers durant six mois sur un chantier à Bangalore. L’Alcazar, bâtiment qui existe bel et bien, soulève de nombreuses questions en lien avec des problématiques sociétales indiennes, les communautés religieuses, les nombreuses langues, « au point de ne pas pouvoir se comprendre entre ouvriers venus de différentes régions », souligne l’auteur. Du fait du système de castes, les rapports hiérarchiques sont également très marqués.

Simon Lamouret au festival
Livres dans la Boucle 2020 à Besançon

Ce qui frappe d’emblée avec ce nouvel ouvrage de Simon Lamouret, c’est l’épaisseur de la pagination. « Me restreindre, avoir plus d’efficacité, concentrer la narration ça aurait été possible, mais on aurait été dans quelque chose de plus didactique », nous confie Simon, qui souhaite notamment « faire éprouver la temporalité au lecteur, montrer le temps qui coule ». Ce « caractère un peu contemplatif », comme il le dit encore, lui semble nécessaire pour déployer le type de narration qu’il affectionne, entre efficacité narrative et réalisme.

Le procédé particulier d’impression, en tons directs, est l’autre réussite de cet album. « J’ai utilisé des encres assez particulières avec une grande luminosité, qu’on n’a pas avec des impressions plus traditionnelles en quadri ». L’auteur fait aussi allusion à la gravure et la sérigraphie, lui qui a expérimenté ces techniques en écoles d’art. « En termes d’outils j’ai utilisé des peintures, des crayons, de la plume en fonction des matières que je recherchais ». Simon Lamouret a notamment travaillé les textures de bétons, apportant un côté brut à son album, en plus du choix radical de la bichromie orange et bleue. Quant au grand bâtiment de l’Alcazar, il est un personnage à part entière, et c’est même « le seul personnage principal parce qu’il y a beaucoup de personnages différents qui traversent le chantier », comme le dit encore l’auteur. L’album est également animé par le mouvement incessant des ouvriers qui vont, viennent, que l’on embauche, que l’on renvoie, venus de la campagne pour la plupart.

L’Alcatraz et son impression en tons directs – Photo : Diversions

On trouve tout de même quelques personnages récurrents, dont Mehboob et Salma, qui sont en couple, et Rafik, le frère de cette dernière, aspirant à évoluer dans cette société, espérant gravir les échelons au sein du chantier, ou partir faire autre chose, une situation « qui nous concerne tous », rappelle Simon Lamouret. Concernant l’Inde, ce dernier parle d’une patrie d’adoption, lui qui y a vécu pendant cinq ans. Après deux ouvrages sur l’Inde (Bangalor faisait davantage office, pour l’auteur, de carnet de voyage), l’auteur pense avoir achevé un cycle. « Le voyage ça peut être pas mal de pièges de l’exotisme quand on le raconte. J’ai toujours essayé d’aller au-delà des premières impressions, qui sont tout aussi légitimes que n’importe quelle impression, mais j’ai rapidement déconstruit après, quand j’ai mieux connu et mieux compris le fonctionnement de la société indienne ».

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