Daniel Picouly – Longtemps je me suis couché de bonheur

ALBIN MICHEL

Roman

Nous sommes à Orly, « côté cité » en 1964. Jusque-là, pas grand-chose pour rêver dans ce « ton sur ton » des barres d’immeubles. Dans la Cité Million où il vit, le personnage du dernier roman de Daniel Picouly découvre l’œuvre de Marcel Proust et s’y intéresse pour une raison inhabituelle, amoureux d’une fille « fatiguée d’être belle », Albertine…

Daniel Picouly - Longtemps je me suis couché de bonheur - Albin Michel

Avec ce nouveau roman au titre facétieux, on retrouve la verve de Daniel Picouly, dans cette histoire pleine de rebondissements, à forte connotation autobiographique (on sait combien l’auteur aime à nous parler de son enfance). Proust, Daniel Picouly l’a réellement admiré lorsqu’il était jeune. Il est tombé sur lui par hasard (si l’on peut dire), à la caisse d’une librairie. « Je rencontre une petite fille qui a un Proust à la main », nous explique l’auteur en septembre dernier au festival Livres dans la Boucle de Besançon. « Quand elle donne son livre, la caissière s’exclame : «  Ah, tu lis Proust à ton âge ! Mais c’est formidable ! » et moi je me dis « Comment ça ? La petite peut lire Proust et pas moi ? » Cela a donc commencé comme un défi, cette histoire de mots entre Daniel Picouly et Marcel Proust. Pour Longtemps je me suis couché de bonheur, le romancier adjoint une histoire d’amour. Périphérique cependant, cette histoire, puisque c’est d’abord de l’amour de Proust, et de la littérature en général, que nous entretient Daniel Picouly dans son dernier roman.

L’auteur renoue aussi avec son autre thème fétiche, celui de la famille (très nombreuse pour sa part), comme pour palier un manque. « J’ai eu le malheur de perdre mes parents très très tôt », nous confie-t-il. « Mon père est parti à 50 ans, c’est rien du tout, et donc je les fais revivre comme ça, je leur ai donné un surcroît de vie ! Plein de gens connaissent mes parents. Plein de gens peuvent m’en parler aujourd’hui. » Comme une envie aussi, à écouter l’auteur, de réhabiliter le romancier. « Proust m’a donné du bonheur quand je l’ai lu, et j’étais un petit peu étonné que quand on parle de Proust, on s’attache surtout au côté dandy, snob, compliqué, alors que moi j’y ai trouvé une joie de vivre ». Difficile en effet, derrière ce « garçon de quinze ans amoureux, niais, égoïste, coupable, minuscule, effrayé et rêveur », de ne pas discerner l’ombre du jeune Daniel découvrant le monde sans bornes de la littérature. Proust, lui, a d’abord appris la liberté à l’auteur de L’Enfant léopard. « Proust – j’avais 15 ans et je rêvais d’écrire – m’a appris une chose simple : tu fais ce que tu veux, tu as le droit en matière de littérature de faire comme tu veux ». Le romancier suit donc la leçon de Proust à la lettre, et prend toutes les libertés dans Longtemps je me suis couché de bonheur. Celle de peupler sa cité d’enfance un peu grise de personnages de Marcel : Odette l’infirmière, la duchesse de Guermantes qui bat ses tapis à la fenêtre, Charlus l’égoutier qui « travaille dans le caca à la Ville de Paris »… Celle de comprimer l’intrigue en une seule journée, de mêler imaginaire et réel, ou encore de faire primer la légèreté et l’insouciance dans une rentrée littéraire (et une rentrée tout court) particulièrement plombées.

Daniel Picouly au festival Livres dans la Boucle à Besançon
en octobre dernier – Photo : Diversions

Dans le roman, les références proustiennes abondent, comme « ce Marcel Proust qui se croit autorisé à tordre le temps, à l’étirer, le contracter, le replier sur lui-même ou se suspendre à son clou ». Comme Bala le bon copain, obsédé lui aussi par Marcel Proust. « C’est le fait d’avoir rencontré des jeunes gens dans le cadre du Goncourt des lycéens, et de m’être aperçu de leur passion pour la littérature. Ils ont réveillé en moi la passion que j’avais à cet âge-là », explique l’auteur. Lorsque l’on interroge Daniel Picouly sur ses livres adorés, il cite notamment les romans policiers Chester Himes. « Quand j’ai commencé à écrire sérieusement, que j’écrivais des nouvelles, il m’a appris une chose qui m’a rassuré. Tout le monde me disait : si tu veux devenir écrivain un jour, il faut au moins que tu voies le monde ». Picouly lui, n’est pas un grand voyageur. « Je lis Chester Himes et je m’aperçois que c’est un homme qui a écrit tous ses romans dans trois pâtés de maisons à Harlem. Il a simplement connu son quartier ». C’est ainsi que l’auteur a commencé à écrire des séries policières qui se passaient dans le 19ème arrondissement, avant de connaître le succès avec Le Champ de personne en 1995. Dans Longtemps je me suis couché de bonheur, Daniel Picouly reste aussi dans sa cité natale. Rien de tel alors que les mots pour faire prendre au lecteur la poudre d’escampette, au moyen de ce roman qui s’emplit de l’enfance de l’auteur dans les années 60, une époque où le cours de gym était « la seule occasion de voir les filles en short à élastique ».


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