Tandis qu’Alain Perroux entame sa dernière saison en tant que directeur général, après deux mandats effectués à l’OnR, la programmation 2025-26 s’ouvrira le 14 septembre sur une méditation autour du temps qui passe, avec la version concertante du premier oratorio de Haendel, Le Triomphe du Temps et de la Désillusion.
“La désillusion est à prendre ici non comme un phénomène engendrant du désespoir”, précise le directeur de la maison alsacienne, “mais comme un processus salutaire qui consiste à se dessiller les yeux pour mieux voir la réalité du monde et de la condition humaine.” En s’inspirant de l’opera seria napolitain, Haendel contournait l’interdiction de l’opéra à Rome, en employant la forme de l’oratorio, confrontant quatre personnages allégoriques. Le Temps et la Désillusion s’opposent au Plaisir. La Beauté choisira-t-elle les deux premiers ou le dernier ? S’adonner aux plaisirs de la vie ou méditer sur son caractère nécessairement éphémère ? Cinq ans plus tard, l’air « Lascia la spina, cogli la rosa » (Délaissez l’épine, cueillez la rose) deviendra le fameux « Lascia ch’io pianga » (Laissez-moi pleurer) dans Rinaldo.
Pour cette dernière saison, Alain Perroux annonce en particulier un “fil shakespearien”, avec notamment une adaptation chorégraphique d’Hamlet du 30 janvier au 13 février. On retrouvera dès le 29 octobre, du dramaturge anglais, Otello dont Verdi fit un grandiose opéra. Le général vénitien pense que son épouse Desdémone le trompe avec son lieutenant Cassio. Conscient de cette jalousie maladive, son autre lieutenant, Iago, cherche la vengeance et le pouvoir en le confortant dans cette haine. Otello sonnait le grand retour de Verdi à l’opéra, seize ans après Aïda. Ces “élégances harmoniques et sonorités orchestrales” comme dira George Bernard Shaw, sondent l’âme tourmentée d’Otello, chef de guerre terrassé par ses propres démons. Avec le librettiste Boito, Verdi supprimera le premier acte à Venise pour se concentrer sur Chypre, se passant aussi de plusieurs personnages secondaires. Sans prélude ni ouverture, l’opéra débute sur une tempête et donne d’emblée le ton. Tornade en pleine mer ou tourbillon au sens figuré en ces temps de guerre, complots (Iago souhaite notamment à Otello de périr en mer), cette œuvre de Verdi vaut surtout pour son trio maudit à l’intensité dramatique légendaire : Otello, Desdémone et Iago.
La saison chorégraphique de l’OnR débutera quant à elle le 18 septembre sur le programme En regard, conviant deux artistes qui se sont rencontrés au sein de la Batsheva Dance Company : Sharon Eyal en tant que chorégraphe attitrée de la compagnie israélienne et Léo Lérus, qui était interprète à l’époque. Le Ballet de l’Opéra national du Rhin les a invités à concevoir à quatre mains le diptyque En regard pour faire dialoguer leurs univers respectifs. The Look (2019) de Sharon Eyal, qui entre au répertoire du ballet, s’inspire d’un mantra de Gandhi autour de la résilience face à l’oppression. Si un grand élan collectif est insufflé par 18 danseurs, Ici de Léo Lérus se veut plus intimiste et va puiser dans les racines guadeloupéennes de ce dernier, pour évoquer l’esclavage. Une pièce plus introspective également, mêlant Gwoka (danse traditionnelle guadeloupéenne) et esthétiques contemporaines.
– Marc Vincent –