Hunter S. Thompson – Gonzo Highway

LETTRES & AUTRES TEXTES

Robert Laffont – Pavillons Poche

Robert Laffont réédite en format poche le riche recueil de lettres et autres textes paru en 2005, vertigineuse plongée dans l’intimité d’Hunter S.Thompson, cet « authentique romancier américain », comme l’écrira William J. Kennedy (on peut notamment découvrir dans Gonzo Highway les premiers échanges écrits, pas très cordiaux mais tout de même savoureux entre les deux hommes, avant que naisse entre eux une amitié véritable). Hunter S. Thompson, auteur entre autres du roman déjanté Las Vegas Parano, a entretenu également une correspondance soutenue, qui éclaire de belle manière sa carrière et sa plume acérée, ainsi que sa vision du journalisme et de la littérature. 

Chronique de Gonzo Highway par Hunter S ThompsonThompson, qui s’est tiré une balle dans la tête en 2005, mettant un point final à une carrière pour le moins rock’n’roll, est considéré comme le fondateur de ce que l’on appellera le journalisme « gonzo », écriture à mi-chemin entre fiction et information. Ce recueil, traduction de deux ouvrages recensant des lettres de l’auteur (en 1997 et 2000), en donne de nombreux exemples, tout comme il montre combien Hunter n’hésitait jamais à mettre les pieds dans le plat ! Gonzo Highway nous balade de la fin des années 50, jusqu’au milieu des années 70. Thompson, qui ne pourra assister à la remise des diplômes dans son lycée, gardé au chaud dans la prison du Comté de Jefferson pour vol, affirmera son indépendance dès son passage dans l’Armée de l’Air, de laquelle il se fera rapidement renvoyer en dépit de son talent d’écrivain. On en apprend plus sur ses premières années à New York, les petits boulots du début des années 60, ses piges pour le National Observer et autres journaux, jusqu’à la publication de son premier ouvrage sur les Hell’s Angels qui marquera les vrais débuts de son style gonzo ( il était allé jusqu’à acheter une moto pour partir en virée avec les motards afin de mieux comprendre leur style de vie, gagnant en prime un passage à tabac en bonne et due forme). La seconde partie du recueil nous montre un Thompson au sommet de sa popularité, reconnu (mais toujours craint par certains redac’chefs) pour le succès de Hell’s Angels. Un Thompson qui s’engage aussi davantage pour la chose politique, vivant sa vie à mille a l’heure, machine à écrire dans un bras, spiritueux et substances non autorisées dans l’autre à l’image de son alter ego Raoul Duke dans le truculent Las Vegas Parano publié en 1972.

 »Je suis bronzé et rougeaud, je pèle, je suis bourré au rhum et à la bière hollandaise, je mens comme je respire, je n’arrête pas d’intriguer, et, globalement, je suis au bord de la folie furieuse »

Gonzo Highway baigne évidemment dans l’effervescence et la violence des années soixante.  En tous points excessif, de mauvaise foi, sans filtre, Hunter Stockton Thompson fut aussi un ardant opposant à la toute puissante société de consommation US, farouche ennemi des puritains de tous poils, qui prédisait dès 1965 l’élection de Reagan à la Maison Blanche. Il trouvera d’ailleurs un modèle en la personne d’Henry Miller, auquel il dédiera notamment un article (Big Sur : le jardin de l’angoisse). Dans la lignée de pionniers tels Hemingway, Twain, ou encore son contemporain Tom Wolfe qu’il estime, Hunter S. Thompson mêle fiction et reportage avec un talent rare et un style qui lui est très personnel. Il aura aussi l’occasion de voir du pays, à l’image de son exil porto-ricain (qui aboutirait quelques décennies plus tard au roman Rhum Express). Il effectuera des allers-retours entre East et West Coast, entre la furieuse et hallucinée San Francisco et la Grosse Pomme, pour revenir, toujours, à son point d’ancrage : Woody Creek vers Aspen.

D’un point de vue éditorial, le boulot a été bien fait ! Chaque chapitre de Gonzo Highway comporte un résumé des thèmes abordés dans les lettres, tandis que des citations de Thompson (ses romans notamment), éclairent le lien étroit entre l’homme et ses écrits. Et puis le bonhomme est tout de même souvent hilarant, comme lorsqu’il menace de représailles physiques rédacteurs en chef, agents littéraires et autres personnes en lien avec le monde de l’écrit. «[…]j’ai bien l’intention, le jour où je vous croiserai, de vous refaire le portrait et d’éparpiller vos ratiches sur la Cinquième Avenue », écrit-il à un agent littéraire qui a commis l’outrage ultime de l’éconduire. Si Thompson déplorait le déclin de la presse américaine au début des années 60, ainsi que la mort cérébrale du rêve américain, que dirait-il aujourd’hui ? Lui qui méprisait les beatniks de la côte Est et autres hippies récupérés par le tout puissant marketing, dénonça pourtant ardemment le déploiement américain au Vietnam. Ce recueil montre aussi combien il est important pour le journaliste (et pour un romancier, tant qu’à faire) de suivre son propre chemin. Hunter S. Thompson en reste un brillant exemple et démontre dans ces lettres « toute la valeur qu’il y a à ordonner des mots sur un bout de papier ».

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