Les Caractériels est sorti en poche aux éditions Points le 20 juin dernier. L’occasion de découvrir si ce n’est déjà fait les aventures du jeune Martial Cavatz dans les rues de l’ancien quartier des 408 à Besançon, mais aussi dans un établissement pour déficients visuels et un autre pour réadaptation sociale. Aujourd’hui Martial Cavatz a passé la quarantaine, il est responsable du service du personnel de l’UFR SLHS à Besançon, et publiait l’an passé son premier roman. Pas si mal pour un (ancien) caractériel ! Les lecteurs et lectrices de Franche-Comté pourront le retrouver au Salon du Livre de Vesoul en octobre prochain.
Voilà bientôt un an que ton premier roman est sorti aux éditions Alma. Quel bilan tires-tu de cette presque année en tant que jeune romancier ?
J’ai déjà eu la chance de trouver un éditeur qui a compris ce que je voulais faire, et qui m’a donc accompagné dans ma démarche ! Il a compris que je voulais faire un roman autobiographique mais qui ne soit pas misérabiliste, et qui ait de l’humour. L’éditrice m’a aidé à peaufiner ça.
Ton livre a en tous cas attiré l’attention…
Oui la chance que j’ai eue aussi, c’est qu’il y a eu une réception intéressante de l’ouvrage, il n’est pas passé sous les radars. Il y a eu pas mal d’articles dans la presse nationale (Le Monde, L’Express, le Figaro…). Aussi une réception auprès des travailleurs sociaux et de quelques sociologues.
Il existe donc plusieurs grilles de lecture du livre ?
Oui Frédéric Lebaron est venu me voir, sociologue bourdieusien, prof à Normal sup’. Marwan Mohammed, chercheur au CNRS… Une prof d’ici, Annick Louis, a fait une communication en Argentine sur la représentation des victimes ou des dominés dans la littérature. Elle a traité de deux auteurs, Arno Bertina et moi, et je devrais intervenir dans son séminaire à l’École des hautes études en sciences sociales en décembre.
Finalement plusieurs types de publics ont pu s’approprier Les Caractériels…
Je pensais que ça allait être difficile en termes d’appropriation et de forme, et en fait il y a beaucoup de gens qui adhèrent à la manière dont je raconte les choses. Des interventions scolaires sont prévues, pour montrer que la littérature ça peut aussi avoir cette forme-là, plus accessible. Pour un élève de quatrième ce n’est pas forcément évident ! J’ai aussi fait des interventions dans des sections SEGPA et Ulis, où on est très éloignés de la littérature. Là il y a eu un échange intéressant, car ce que racontait mon livre résonnait avec leurs vies. Dans ce type de classes, la moitié des enfants sont placés ou suivis par les services sociaux, dans des situations très difficiles.
Tu pourrais presque être devenu un exemple !
Mon parcours reste très atypique. Quelqu’un qui vient d’un milieu populaire et d’une cité ça existe, mais moi c’est un milieu violent avec de la délinquance… Ce que j’explique dans le livre c’est qu’on était des cassoces même pour les autres du quartier ! [rires]. Quand j’ai fait l’intervention aux Sandales d’Empédocle, une juge pour enfants a pris la parole et salué la description que je fais comme très sincère et honnête. Ce qui l’a marquée c’est que le personnage principal ne s’exonère pas de défauts lui-même. Il est partie prenante des mauvais coups !
Lors de la sortie du livre en août 2024, Diversions a évoqué la succession d’histoires qui composent Les Caractériels, comme des petites nouvelles. C’était ton idée ?
J’aimais bien l’idée de la forme fragmentaire parce que la mémoire ce n’est pas quelque chose de linéaire. Je compare un peu ça à une expo photo avec des instantanés d’une existence. Il y a un sens, mais il y a forcément des blancs, et surtout je ne voulais pas faire un ouvrage trop didactique, parce que la vie c’est pas aussi simple ! Le personnage sort de la violence mais on voit que c’est assez long, il y a quand même des rechutes. Dans l’un des derniers textes sur la surveillante, on est en quatrième-troisième, on voit que le jeune ne tape peut-être plus ses camarades, mais il est très turbulent en études, très compliqué à tenir !
Au-delà de la dimension sociale cependant, tout un chacun pourra aussi s’identifier à tes aventures ?
Oui il y a aussi une dimension plus universelle sur l’enfance. Quand je raconte que ma mère veut que je porte des bottes en caoutchouc, ou les conneries qui peuvent être faites à l’internat, il y a des gens à qui ça a rappelé des souvenirs d’enfance, le fait d’être amoureux de son instit’, le besoin de reconnaissance…
Propos recueillis par Dominique Demangeot