Strasbourg – Julie de Lespinasse au TNS

Après son travail sur Sade et Laclos, Christine Letailleur retourne au XVIIIe siècle, et porte cette fois à la scène les lettres adressées par Julie de Lespinasse (1732-1776) au comte de Guibert. L’occasion de découvrir cette femme brillante, oubliée par l’histoire, qui montera un salon parisien où se rendront notamment les fondateurs de l’Encyclopédie, Diderot, Condorcet et d’Alembert (enfant illégitime comme elle…).

Photo : Jean-Louis Fernandez

Julie de Lespinasse rencontre le comte de Guibert à l’âge de 40 ans, une période de la vie qui sonne à l’époque, pour les femmes, le retrait de la vie mondaine et des plaisirs en général ! Julie fait également fi des conventions en débutant une relation passionnelle et destructrice avec un homme plus jeune qu’elle. Cette liaison amoureuse va être documentée en détails à travers une correspondance abondante, que Christine Letailleur adapte au Théâtre National de Strasbourg fin avril. De cette relation, la metteuse en scène a souhaité faire ressortir « la dimension tragique, le côté racinien de Julie de Lespinasse et aussi la dimension de la solitude. » À l’aube de la quarantaine, Julie de Lespinasse quitte en effet, de son propre chef, les cercles publics et intellectuels pour vivre pleinement sa passion.

Sur le plateau, Julie de Lespinasse évolue dans un décor sobre, représentant à la fois la solitude de son appartement lorsqu’elle rédige les lettes au comte de Guibert, mais surtout son espace mental et intime. « Votre fantaisie de parcourir l’Europe vous a-t-elle fait oublier Mademoiselle de Lespinasse ? », écrit-elle à son amant colonel. « L’Europe a sans doute de plus grands attraits qu’une femme qui se languit de vous. » Publiées par la veuve du comte de Guibert en 1809, les lettres de Julie ne correspondent pas au libertinage de l’époque. Elles nous donnent à lire au contraire les paroles d’une femme sincèrement éprise et remuée par cette relation illégitime. « Elle n’a de cesse de chercher les mots justes pour traduire sa passion amoureuse qui la ronge et la fait tant souffrir », dit encore Christine Letailleur. Cette dernière a d’ailleurs décidé de conserver la langue du XVIIIe siècle, « élégante, très construite, avec ses figures de styles, ses longues phrases, ses respirations, ses points d’exclamations. »

Christine Letailleur – Photo : Jean-Louis Fernandez

La metteuse en scène a été séduite par la force d’âme de Julie de Lespinasse, fille illégitime d’une comtesse, cependant élevée par cette dernière avec ses autres enfants, et devenant à 16 ans la gouvernante des enfants de sa sœur. Promue dame de compagnie de Madame du Deffand quatre ans plus tard, elle part à Paris et découvre alors le salon que tient sa tante. En 1764, elle ouvrira son propre salon que l’on surnommera « le laboratoire des Encyclopédistes » où brilleront les idées progressistes. En matière de relations amoureuses aussi, Julie de Lespinasse se montrera en avance sur son temps. « Julie revendique son droit à l’amour », souligne Christine Letailleur, « elle veut aimer comme les hommes en ont eux le droit. » L’esprit libre de Julie de Lespinasse annonce d’une certaine manière le romantisme mais aussi la psychanalyse, comme le fait encore remarquer la metteuse en scène. « On sent qu’elle cherche ce qui, dans l’enfance, dans les malheurs de sa jeunesse, a déterminé sa vie d’adulte. »

– Paul Sobrin –

Julie de Lespinasse, Théâtre National de Strasbourg, du 25 avril au 5 mai
www.tns.fr

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