Nathan Devers – Penser contre soi-même

ESSAI

Albin Michel – Itinéraires

Parution le 3 janvier 2024

Pourquoi la philosophie ? C’est la question que pose d’emblée Nathan Devers dans cet essai relatant ses années de formation. À 26 ans, il est encore bien trop tôt pour rédiger ses mémoires, mais le romancier, essayiste et chroniqueur a souhaité revenir sur les circonstances, il y a dix ans, qui l’ont amené à quitter la religion juive pour la philosophie (dont il est agrégé).

Nathan Devers - Penser contre soi-même - Albin MichelOn peine à imaginer le jeune homme se lever chaque matin à 6 heures pour se rendre à École normale israélite orientale (ENIO) dans le seizième arrondissement, réciter des prières et étudier les textes. C’était pourtant le quotidien de Nathan Devers il y a dix ans, qui s’appelait encore Nathan Naccache et conciliait pratique assidue de la religion et cours au lycée. Dans Penser contre soi-même, Nathan Devers relate l’histoire de sa famille, « longue succession d’exils imprévus, de départs soudains et de pays perdus ». Du judaïsme, il évoque plusieurs facettes : l’hébreu, Jérusalem, quelques figures comme le Rabbin Moshe Chaim Luzzatto (Ramchal), des textes fondateurs à l’image du sensuel Cantiques des cantiques ou encore l’Écclésiaste… Avec un bel esprit de synthèse, l’auteur résume « ce continent immense que, pour l’intellect, dessine la pensée juive. » Mais comment passe-t-on d’aspirant rabbin à philosophe ? Nathan Devers s’attaque à la sempiternelle dichotomie entre foi et raison qu’incarnera notamment Pascal. Sa Nuit de feu à lui (mais laïque), Nathan Devers l’expérimente en quelque sorte en ouvrant Terre des hommes de Saint-Exupéry, une entrée en littérature (« [u]ne deuxième Bible, un Talmud sans ciel ») qui lui donne accès à un nouveau continent où vont se succéder Baudelaire, Proust, Barthes et tant d’autres.

L’ouvrage alterne questions mystiques… et râteaux adolescents, et comme dans Espace fumeur, l’auteur mêle avec talent récit autobiographique et essai. On y trouve aussi de beaux passages sur la communauté juive d’Auteuil à l’ENIO, école religieuse ouverte et tolérante où « la Bible côtoyait Victor Hugo depuis toujours ». Mais le Nathan adolescent va également découvrir le repli identitaire et d’autres travers du fanatisme. Penser contre soi-même est donc un double récit initiatique : celui de la découverte du judaïsme, puis de la littérature et de la philosophie, « renaissance spirituelle ». Viennent alors Heidegger et ses Essais et conférences, Platon, Nietzsche, et peu à peu, le fervent pratiquant comprend qu’un autre chemin est possible jusqu’à cet « instant où l’on devient soi-même ». On retrouve Nathan Devers dans une dernière partie, professeur qu’il est aujourd’hui, pour un essai concis sur ce que représente pour lui la philosophie. À conseiller à tout élève de Terminale découvrant la philo, « l’art d’une éternelle question », d’autant que l’ouvrage aborde également des thématiques brûlantes d’actualité comme l’intégrisme et le vivre-ensemble.

Dominique Demangeot

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