Leïla Bashaïn – Le ciel sous nos pas

Albin Michel

On ne connait pas le prénom de la jeune fille que nous présente Leïla Bahsaïn dans son premier roman, et qui narre elle-même son histoire haute en couleurs. Sans doute cherche-t-elle, elle aussi, à définir son identité, dans cette petite ville du Maroc où elle réside avec sa « mère officielle » et sa sœur Tifa, toutes trois vivant de la contrebande. Très vite la jeune héroïne va vouloir s’émanciper de cette vie étriquée, entravée par l’éducation d’une école régie par la religion.

Leïla Bashaïn - Le ciel sous nos pasMais au Maroc, la société s’occidentalise aussi, à vitesse grand V, adoptant la consommation à outrance, la grande surface, la banque et sa « fente cracheuse de billets ». Alors capitalisme ou fondamentalisme ? Bien heureusement la jeune narratrice possède un caractère bien trempé, qui l’empêche de tomber dans les filets de l’un ou de l’autre. Loin du misérabilisme, Le ciel sous nos pas dépeint avec force, une belle poésie et une ironie parfois piquante, les échappées belles, les amitiés nouées, les découvertes jalonnant l’existence comme dans tout conte initiatique.

Car Le ciel sous nos pas est bel et bien un conte, moderne, et dont les thèmes – l’emprise de la religion, la radicalisation, le pouvoir masculin dominant – sont d’une actualité brûlante -. Si les intégristes et le libéralisme ont pris peu à peu le contrôle de la société pour lui imposer leurs dogmes, l’héroïne de Leïla Bahsaïn peut heureusement compter sur quelques âmes davantage éclairées comme Monsieur Saf², qui lui explique qu’un autre monde est envisageable, grâce notamment à la culture. Son rôle sera décisif dans l’émancipation de la jeune fille. Cette dernière reprend, au fil des chapitres, le contrôle de son intellect et de son corps. La littérature constitue un autre échappatoire – en parallèle des virées à moto ! – pour la jeune fille. Un virus qui ne la lâchera plus et a comme aboutissement final la liberté.

Mais pour cela il faut partir. La narratrice va retrouver Tifa qui s’est mariée en France. Dans ce « beau nombril du monde », elle fuit les Frères pour retrouver sa sœur… mariée à un fondamentaliste. La jeune fille rêve de la délivrer de cette vie de servilité à la religion, et se confronte aussi au racisme. En France elle va étudier la publicité et la communication, pour mieux appréhender cette société de consommation en apprenant son évangile: le marketing. « La liberté ne s’offre pas », dit-elle, « elle s’arrache, elle se dérobe ». Une liberté qui se conquiert notamment dans la relation amoureuse, et dans l’appropriation de son corps, qui n’appartient qu’à soi.

– Dominique Demangeot –

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