Frédérique Germanaud – Le bruit de la liberté

ROMAN

La clé à molette

En septembre dernier sortait Le bruit de la liberté, le dernier ouvrage de Frédérique Germanaud publié aux éditions La clé à molette. Le lecteur embarque pour un road trip littéraire en compagnie d’Émilie, qui se met en quête de Pascal Quignard en parcourant les lieux qui ont inspiré certains de ses ouvrages, de Saint-Énogat en Bretagne à Sens dans l’Yonne, en passant par l’Allemagne et l’Italie.

Frédérique Germanaud - Le bruit de la liberté - La clé à molette

L’acte fondateur du voyage d’Émilie, c’est une rupture amoureuse, un départ qui en a précipité un autre et l’a mise sur la route, en compagnie de sa chienne Tania, véhiculée dans une antique 4L affectueusement surnommée Gringalet. C’est ainsi que Chrétien de Troyes appela le cheval de Gauvain dans la légende arthurienne. Le périple d’Émilie apparaît cependant moins épique que la quête du Graal, partant sur les traces du moine Quignard. On retrouve avec plaisir dans Le bruit de la liberté l’économie de langage de Frédérique Germanaud, des chapitres concis dans la lignée de l’écriture fragmentée de Pascal Quignard. Un drôle d’objet littéraire finalement, comme un essai aux accents romanesques, d’autant qu’au fil des pages, Pascal Quignard s’efface pour laisser la place à Émilie, à mesure que cette dernière roule vers l’Est.

La seconde partie du livre opère un changement, au hasard (à la faveur ?) d’une panne de voiture. On croise PJ Harvey, Ulysse – une odyssée, encore -, mais surtout Rick Bass, Pete Fromm, Jim Harrisson, des écrivains qui ont fait du monde sauvage l’épicentre de leurs œuvres. Et c’est bien la nature qui assiste Émilie dans sa reconstruction. En s’écartant de ses semblables (tout juste garde-t-elle contact avec quelques amies), elle plonge au plus bas, dans un dénuement presque total, pour remonter finalement à la surface. Un passage « into the wild » qui fait écho au Journal Pauvre (La clé à molette, 2018), où Frédérique Germanaud relatait, sur le mode autobiographique cette fois, l’expérience de vivre sans salaire, quittant son emploi pour tenter de vivre de son écriture. Pour son personnage Émilie, il fallait aussi cette expérience radicale de «[d]escendre au fond du puits ».

Si Le bruit de la liberté attirera immanquablement les amateurs et les amatrices de Quignard, il vaut surtout par l’expérience toute personnelle d’Émilie, qui finit par retrouver dans l’Allemagne de son adolescence la mère qu’elle n’a pas vue depuis vingt ans. Emilie qui avance à pas feutrés, le doute en baluchon. « J’aimerais dire que je sais où je vais, mais ce n’est pas le cas », avoue-t-elle. Elle voyage léger mais le cœur lourd comme ce passé qui lui a laissé, entre autres, une névralgie faciale. Le bruit de la liberté est aussi une belle réflexion sur la place de la littérature dans nos vies, et sur l’écriture en tant que processus, ou plutôt ce qu’il se passe avant : « Pour l’heure, j’engrange, je laisse les résidus se déposer en moi », explique Emilie. Une lente infusion plutôt que le désir de tout saisir d’emblée: « Restera ce qui doit rester. Il n’est pas nécessaire de tout figer dans les plis de l’écriture ». Et pour le lecteur qui aime à dénicher l’auteur derrière sa fiction, il convient de procéder de la même manière qu’Émilie traquant Quignard, adoptant « cet angle décalé [pour approcher] le mieux l’auteur de Vie secrète ». Une dérive, comme Émilie l’écrit plus loin, davantage qu’une biographie en bonne et due forme. Ceci s’applique aussi à l’autrice de Journal pauvre.

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