Fatima Daas – La petite dernière

AUTOFICTION

Notabilia/Noir sur Blanc

Lors de cette rentrée littéraire sous masques, on a beaucoup parlé de la première publication de Fatima Daas, jeune femme de 25 ans qui, par le biais de cette autofiction, évoque sa famille d’origine algérienne, et son propre statut de « petite dernière », seule des trois enfants Daas née en France. Mais qui est Fatima Daas ? La petite dernière est le récit de cette quête d’équilibre et d’identité d’une jeune femme en décalage, partagée entre religion, sexualité, famille et ami.e.s.

Fatima Daas - La petite dernière - Notabilia - Noir sur Blanc - Chronique livre

La petite dernière, c’est avant tout un remarquable exercice de prose poétique, comme un chant à proférer à voix haute. Un texte qui trouverait sans nul doute sa place sur un plateau de théâtre tant il mêle avec brio poésie et descriptions de moments de vie, lycée, famille, R.E.R., fac… À Clichy ou Alger, l’autrice fait fi d’une quelconque chronologie comme pour donner davantage corps à cette mosaïque qu’est sa vie. Au début de chaque – court – chapitre, la narratrice n’en finit plus de se présenter. « Je m’appelle Fatima Daas » ou « Je m’appelle Fatima ». Se présenter et peut-être, surtout, se représenter. Tenter de définir, enfin, une identité mise à mal dès la naissance, au sein d’une famille immigrée resté ancrée dans sa tradition. La petite dernière, « [c]elle à laquelle on ne s’est pas préparé » doit-elle se représenter Française-Algérienne, Algérienne-Française, Française d’origine algérienne ? Fatima Daas, c’est un pseudo, l’histoire s’inspirant de l’expérience de l’autrice, sans la rendre dans les moindres détails. Au-delà de la situation personnelle de la narratrice en effet, beaucoup pourront s’identifier à ses incertitudes. Qui ne s’est jamais senti décalé face à sa famille, à l’école et ce qu’on nous y inculque ? En porte-à-faux face à une religion, une sexualité ou une société ? Comme une envie de réexaminer les codes ?

Ces présentations en débuts de chapitres sont comme le cylindre d’une machine à écrire que l’on ramène sur la gauche, inlassablement, pour pouvoir continuer à écrire, repartir d’un meilleur pied, comme une caméra opérant la mise au point sur une scène floue. Toujours, Fatima Daas revient sur son ouvrage et n’oublie pas de travailler le rythme, les répétitions, les sonorités. Le prénom, c’est aussi la première marque d’une emprise, culturelle, religieuse ou sociale. Un marqueur comme peut l’être la langue, le Français d’abord, un peu l’Arabe aussi, en phonétique, l’Anglais, rarement, comme lorsqu’elle cite Lil Wayne et Kendrick Lamar, parce qu’on ne saurait omettre de parler également de l’influence du rap dans l’écriture de Fatima Daas. Rap, slam, spoken word et quelques autres citations de Marguerite Duras et Annie Ernaux. La petite dernière dépasse cependant le féminisme traditionnel, l’autrice refusant tout autant de se faire cataloguer « lesbienne impure » par les musulmans, que « musulmane soumise » par les féministes. La petite dernière, c’est donc aussi le récit d’une relation faussée d’avance avec un père lointain, qui peut se montrer violent, et une mère aimante (finalement), mais qui semble égarée dans une tradition qu’elle accepte pour acquise, loin de toute remise en question. Violence et amour, comme deux pôles entre lesquels le texte oscille continuellement. Entre la religion et sa sexualité personnelle, la narratrice ne choisit pas. Elle continue de prier et elle continue d’aimer des femmes. La jeune femme, asthmatique, n’oublie pas non plus de reprendre son souffle aussi, pour repartir, encore.

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