RECUEIL
Belfond
Parution le 3 octobre 2024
« Qu’est-ce qu’un Américain ? » Question qui appelle de multiples réponses avec ce recueil mêlant Histoire de l’Amérique et souvenirs personnels. D’autant plus d’actualité qu’il évoque en partie l’arrivée de Trump au pouvoir en 2016, alors que ce dernier vient d’être réélu pour un second mandat.
Comme beaucoup d’artistes, Douglas Kennedy a été particulièrement ébranlé par cette élection, et le romancier nous confie son « impression tenace que sa patrie fonce pleins gaz dans l’obscurité vers un précipice ». Beau programme ! L’écrivain n’est pas tendre avec son pays, traquant « nos névroses sous un vernis d’idéalisation » (névroses qu’il a lui-même expérimentées au sein de sa famille). Douglas Kennedy s’est intéressé très tôt, dès son adolescence, à l’actualité, et le « chaos passionnant que pouvait recéler le monde » l’a fasciné. Alors il observe. Compatriotes, famille, amis d’école (la prestigieuse Collegiate School à New York, même s’il est issu d’une famille modeste) et surtout de fac, où il a cultivé l’art subtil d’être impopulaire au milieu des fraternités (exemples typiques de conformité à l’américaine).
Quand il ne réside pas en France, sa patrie d’adoption, où il est probablement plus lu que dans son pays natal, il parcourt les USA pour aller à la rencontre des Américains. Il dépeint l’évolution du New York qu’il aime tant, son architecture, déplorant au passage « le vandalisme architectural infligé au New York d’après-guerre ». Il ne méprise pourtant pas l’avant-garde et rend hommage au jazz qui demeure sa grande passion (auquel il consacre d’ailleurs un résumé historique en accéléré), ainsi que l’expressionnisme abstrait, les Beats… Changement d’ambiance lorsqu’il va visiter l’Amérique intérieure, celle qui a, sans surprise, voté pour Trump. Kansas, Wyoming, Texas, des états attachés aux libertés individuelles à l’image d’Amarillo, petite ville de province où le port d’arme apparent est autorisé. L’occasion d’évoquer la fameuse Frontière américaine, à l’origine d’un autre mythe, celui du Self Made Man. L’Amérique religieuse aussi est abordée, avec ses télévangélistes surgis à la fin des années 80, belle remontada des origines puritaines des pionniers. La religion et ses liens étroits avec l’argent, « le principe reaganien selon lequel la richesse matérielle était une forme de piété ». Un ouvrage qui permet de comprendre un peu mieux les tensions tiraillant aujourd’hui la société américaine.
Dominique Demangeot