Le Bisontin John-Mikaël Flaux présentait quelques-unes de ses créations en juin dernier, lors de la onzième édition des 24h du Temps. Un patrimoine horloger qu’il souhaite perpétuer, faire connaître et préserver.
Originaire de Rennes, c’est là-bas que John-Mikaël Flaux découvre le monde fascinant de l’horlogerie à l’occasion d’une porte ouverte dans un lycée. Le Lycée Edgar Faure de Morteau l’accueille ensuite, deux années d’études supplémentaires qui lui permettent d’obtenir le diplôme des métiers d’art. Il part alors travailler en Suisse mais la destination du pays de l’horlogerie, la Franche-Comté, ne pouvait que l’attirer. « Si on veut vibrer micromécanique, horlogerie, mécanique d’art, il faut être ici”, souligne John-Mikaël Flaux. Ici, c’est L’Arc jurassien franco-suisse, et du côté hexagonal, il y a Besançon, la capitale française de l’horlogerie. “Il s’est passé beaucoup de choses ici. Tout le monde a en tête Lip. Besançon c’est très vert. On respire. Je m’y sens très bien pour travailler”, précise l’horloger qui s’est installé dans la capitale comtoise en 2019 pour vivre de son art… et faire vivre son art !
Dans son atelier, on trouve ses réalisations mais aussi de nombreuses machines, outils divers ainsi qu’une bibliothèque bien fournie. Ce qui l’intéresse : “fabriquer quasiment tout de A à Z, de l’idée jusqu’à l’œuvre terminée”. John-Mikaël s’enthousiasme autant pour ses créations que pour les outillages qui lui ont permis de les réaliser… Lorsqu’il se met à son compte, l’artisan acquiert le matériel d’un horloger à la retraite. Au fil du temps, son outillage s’est étoffé, et il remet en usage des outils parfois très anciens, qui lui permettent d’être autonome et fabriquer ses propres pièces. Il nous présente ainsi une machine à tailler, vieille dame allemande, centenaire mais encore vaillante, grâce à laquelle John-Mikaël Flaux fabrique ses roues dentées en petites quantités. Il n’est pas peu fier de nous montrer quelques vieux ouvrages glanés sur des brocantes, des mines d’or à l’image de ce petit livre logiquement intitulé L’horloger de Christian Poncet (1938). “On voit bien qu’à l’époque, ils étaient à la recherche constante de petites innovations qu’ils allaient appliquer à l’atelier, qui allaient leur permettre de gagner beaucoup de temps, répondre à des problèmes, plutôt que d’avoir une solution standard toute faite.”
À l’heure de Chat GPT, de l’IA, le créateur préfère se tourner vers les techniques ancestrales qui ont fait leurs preuves, mais ne s’interdit rien et utilise aussi des machines plus modernes et numériques. Il faut bien cela pour relever certains défis, comme l’élaboration d’un moteur particulièrement silencieux. Se consacrant à de très petites séries voire des modèles uniques, fabriquer ses propres pièces permet à John-Mikaël Flaux d’être autonome, même si l’artisan apprécie aussi de travailler en équipe lorsqu’il s’agit de savoir-faire qui ne sont pas les siens (micro-peinture, laque, émail..). Il compare son atelier à un laboratoire, effectue de la recherche-développement sur des problématiques très concrètes, mais aussi sur des considérations davantage conceptuelles et artistiques pour ses automates : monde de l’automobile, abeilles, chevaux et purs sangs arabes en particulier… “La mécanique, au lieu d’être quelque chose de très froid, très binaire, peut devenir un support artistique, nous émouvoir en créant des mouvements.”
Silence, ça tourne !
D’ailleurs le logo de John-Mikaël Flaux est une clé qui symbolise “la vie qu’on va insuffler à l’automate à travers son poids moteur ou son ressort”. Une clé pour incarner ce mouvement après lequel courent tous les horlogers. “Ce qui est passionnant avec les automates, c’est que ce sont avant tout des objets d’exception qui fonctionnent sans autre source d’énergie. Ce sont des machines à poésie.” Pour ses automates comme le cheval cabré ou le duel à l’épée, le créateur a dû tout d’abord observer, avant de nous offrir sa vision toute personnelle de ces modèles. “Il y avait un travail extrêmement difficile sur la morphologie du cheval, pour la réinterpréter avec ces pièces en bronze patiné que j’ai réalisées.” La pièce la plus complexe pour l’artisan, de son propre aveu.
Un savoir-faire à préserver
“Aujourd’hui, l’horlogerie traditionnelle et la mécanique d’art, c’est quelque chose qui est en danger », fait remarquer John-Mikaël Flaux. « Rares sont ceux qui ont la capacité de maîtriser tout le processus, de l’idée, du petit croquis à la pièce terminée, en passant par la conception et la fabrication.” D’où l’intérêt d’aller chercher conseil auprès des anciens ! Dans les livres, John-Mikaël Flaux vient glaner “des astuces, des façons de faire, de penser. J’aime bien me mettre dans l’état d’esprit des anciens. On a perdu beaucoup de choses, on risque d’en perdre encore plus s’il n’y a pas d’actions qui sont faites.” L’horloger évoque aussi le rapport aux outils qui a changé. « Il y avait énormément de soin apporté aux finitions, aux formes, aux petits détails parce qu’il y avait un vrai respect de la matière, du temps passé, même si c’était purement fonctionnel.” Sa présence aux 24h du Temps en juin dernier lui a permis de présenter son travail au grand public.
La suite pour John-Mikaël ? “Je vais osciller entre des objets garde-temps qui sont vraiment à indication horaire, où je m’inspire de choses de l’horlogerie et peut-être de l’architecture, et de l’autre côté, il y a tout ce qui est mécanique d’art.” Il souhaite aussi continuer d’aller à la rencontre du public pour faire connaître ces traditions horlogères. “Il y a des collectionneurs qui sont pour certains plus des mécènes, qui veulent vraiment soutenir cet art, mais on est très peu nombreux. Et au niveau de ces pièces d’exception, ces mécaniques d’art, ces automates, j’ai envie de partir sur des choses où il y a une expression du cœur, ce côté machine à rêve. Je veux raconter une histoire, faire voyager, faire rentrer les gens dans mon univers créatif.”
– Dominique Demangeot –
– Propos recueillis par Caroline Vo Minh –


