ROMAN
Au diable vauvert
Parution le 3 avril 2025
Dans l’avenir tel que l’imagine Christopher Bouix, nous sommes tous des numéros, comme le chantait France Gall dans Starmania. Ethan Chanseuil, le numéro 620.519.367-78, a maille à partir avec une intelligence artificielle dans cette dystopie entre satire et thriller.
Il y a en effet belle lurette que “l’accompagnement personnalisé premium d’expérience de fin de vie” a été adopté. Avec son corps connecté, le citoyen-utilisateur de 2143 se voit garantir, paraît-il, une sécurité à toute épreuve, le meilleur monde possible à en croire Milo-128, l’intelligence artificielle qui dialogue avec Ethan. Ce dernier se retrouve sous le feu des questions car on le soupçonne d’avoir assassiné son beau-père. Le fait qu’il soit sans emploi depuis trois ans n’arrange pas sa situation, dans un monde où le manque de réussite est mal considéré. Pour l’IA et la société qui l’a engendrée, la mort n’est qu’une “cessation d’activité”. L’existence par conséquent, un produit et un service monnayables.
Dans ce dernier volet d’un triptyque sur l’intelligence artificielle, un présentateur s’adresse aux métaspectateurs assistant à cet échange. Tout le monde épie tout le monde. En filigrane, notre propre société qui en est encore aux balbutiements de l’ère numérique, mais où l’influence des réseaux sociaux et de l’IA ne cesse de croître. Avec ce flippant “tribunal populaire d’initiative citoyenne”, pas sûr que la liberté individuelle ait été la grande gagnante dans un monde où l’alimentation naturelle est désormais interdite. Quant au vote du public, c’est devenu presque la norme en occident depuis l’avènement de la télé-réalité. Les spectateurs doivent voter, à l’issue des 120 minutes d’interrogatoire, pour savoir si le candidat/accusé, va rester ou non cette semaine. Dystopie à lire d’une traite, où le citoyen parfait (et parfaitement épanoui) est la norme (c’est même un devoir, à en croire le présentateur). L’accusé numéro 620.519.367-78 Ethan Chanseuil aimerait pourtant tracer pour lui-même un autre chemin puisque “l’exploitation de chiffres et de données n’est pas une science exacte”. C’est vrai quoi… Peut-on vraiment faire confiance aux algorithmes ?
Marc Vincent