Véronique Olmi – Les évasions particulières

ROMAN

Albin Michel

Le nouveau roman de Véronique Olmi prend la forme d’une saga familiale, se développant autour des destins de trois sœurs nées dans une famille catholique modeste. Dans les années 70, la société française vit de profonds bouleversements, en particulier en ce qui concerne la question de la condition des femmes. Sabine, Hélène et Mariette vont toutes trois traverser ces années en cherchant elles-mêmes leurs propres voies. D’un Mai à l’autre, de 1968 à 1981, avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir, les trois sœurs vont chacune organiser leurs « évasions particulières », avec comme épicentre la ville d’Aix-en-Provence, où la contestation dans le milieu universitaire fut particulièrement soutenue.

Véronique Olmi - Les évasions particulières - Albin Michel

« Pour mon précédent roman Bakhita, j’avais reçu un prix à Aix-en-Provence et quand on m’a remis ce prix, j’ai fait un petit discours », nous expliquait Véronique Olmi lors du festival Livres dans la Boucle à Besançon en septembre dernier. « J’ai dit que j’avais grandi à Aix et je me suis rendue compte que ça avait été très très vite, l’évolution des mœurs ». Dans Les évasions particulières, les personnages de Véronique Olmi sont témoins de l’évolution de la société française dans la décennie soixante-dix, mais y prennent part également, le roman démontrant notamment « comment l’intime influe sur le politique et vice et versa ». Le retentissement de deux procès féministes dans une ville de province, avec les présences de Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, a aussi fait évoluer les mentalités. « Il s’est passé des choses très importantes au cœur même de Aix, et je trouvais intéressant de situer cette histoire dans une ville qui n’était pas en prise directe avec mai 1968 ». Quand à la famille catholique qu’a choisie Véronique Olmi, elle n’était pas naturellement encline à accueillir avec bienveillance ces évolutions. Et pourtant… « Je voulais observer comment on peut s’ouvrir au monde, aux autres, changer d’opinion, le temps que ça prenait », souligne encore l’autrice.

Ces mois, ces années entre filles, sans même un professeur, un pion, un seul élément masculin, les filles dans un établissement, les garçons dans un autre, comme des animaux incompatibles.

Véronique Olmi a grandi elle aussi à Aix-en-Provence dans les années 1970, s’inspirant, pour le personnage d’Hélène, de sa propre expérience, partagée entre son riche oncle à Neuilly-sur-Seine et le cadre familial plus modeste. Les évasions particulières nous entretient aussi de ces liens familiaux, « qu’on pense parfois rompus ou distendus, mais auxquels on est toujours reliés très fort », remarque Véronique Olmi. « Au fil du temps, un écart s’était creusé entre Hélène et ses parents », peut-on lire dans le roman, « son adaptation dès son retour à la maison lui demandait une observation rapide des siens. » Peut-être doit-on chercher ici l’origine de la carrière d’autrice de Véronique Olmi. Mais lorsque l’on soulève la question autobiographique avec cette dernière, la romancière évoque une part d’elle-même dans chacune des trois sœurs. « Je suis partie à Paris faire du théâtre chez Jean-Laurent Cochet, j’avais effectivement cette configuration un peu inhabituelle de vivre entre deux familles et la petite dernière, peut-être qu’elle me ressemble un petit peu moins, mais elle a cette observation du monde que je pense avoir ». Issue elle aussi d’une famille catholique, Véronique Olmi a eu plus d’une fois l’occasion d’observer « le paradoxe entre un message christique fait d’ouverture, d’amour et une religion très hiérarchisée, très patriarcale, misogyne, et une religion de la menace finalement, qui me semble à l’opposé du message sur laquelle elle s’est bâtie ».

Véronique Olmi au festival Livres dans la Boucle
à Besançon le 4 octobre dernier – Photo : Diversions

La famille Malivieri va évoluer au rythme des aspirations de chaque sœur aux personnalités très différentes, Sabine qui rêve de devenir actrice en montant à Paris, Hélène se sentant particulièrement concernée par la cause animale… « Je trouvais intéressant de mettre en place une famille comme un échiquier, et de voir comment la place de chacun peut se repositionner ou non». Mariette, la petite dernière, « va devoir se construire dans une famille justement déconstruite parce les deux aînées s’en vont. Elle va être celle à qui la mère livre ses secrets et qui va plus se tourner vers l’observation des adultes, du monde ». Cette « écoute des silences », comme nous le confie Véronique Olmi, portera Mariette vers la musique.

Photo : Diversions

L’émancipation féminine, le féminisme, terme parfois galvaudé ou critiqué, prennent finalement dans le roman des formes très diverses, comme le suggère le titre. « Les évasions particulières, c’est un mouvement, c’est ce qui va arriver aux trois filles et à leur mère aussi, à chaque fois de façon singulière et personnelle », nous dit Véronique Olmi. « Car il y a mille façons d’oser rêver, d’oser ensuite penser que ces rêves sont réalisables, et d’y aller. Ce n’est pas confortable, simple, mais je pense que c’est la seule façon de se dire qu’on a vécu une existence qui nous ressemble ».

Cette volonté de s’engager pour des combats que l’on considère comme justes, on la retrouve aussi dans l’intérêt qu’Hélène porte à la cause animale. « Je devais oublier tout ce que je sais aujourd’hui pour aller au contraire très loin en amont », explique la romancière. « J’ai remonté jusqu’en 1949, ce documentaire de Georges Franju qui a illégalement filmé les abattoirs de Vaugirard. Je me suis rendue compte en me documentant sur ce livre, qu’on savait tout depuis très longtemps, que beaucoup de gens avaient prévenu, avaient écrit, avaient alerté, avaient dit et qu’on se moquait inlassablement d’eux, que ce soient les scientifiques, les artistes, les philosophes, les botanistes, tout était là pour nous dire et on n’a pas voulu voir. Et on continue .»

Propos recueillis par Caroline Vo Minh

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