Juan Díaz Canales et Jesús Alonso Iglesias – Judee Sill

BANDE DESSINÉE

Aire Libre

Parution le 21 avril 2023

Deux disques publiés de son vivant, quelques démos et raretés ainsi qu’une compilation de concerts londoniens. Voici ce qui demeure du testament artistique de la chanteuse Judee Sill, née en 1944 à Los Angeles, décédée dans la même ville trente-cinq ans plus tard. Les auteur et illustrateur espagnols Juan Díaz Canales (Blacksad, Corto Maltese) et Jesús Alonso Iglesias se sont basés sur de rares sources pour reconstituer son parcours chaotique.

Juan Díaz Canales et Jesus Alonso Iglesias - Judee SillLes noms de grandes chanteuses folk et country/rock des années 70 sont restés gravés dans le marbre, et certaines exercent encore leur art à l’image de Joan Baez, Emmylou Harris et Linda Ronstadt. Si son premier album, remarqué, conviait notamment David Crosby et Graham Nash (excusez du peu), à son décès Judith Lynne Sill n’est qu’« une junkie de plus », comme le fait remarquer l’un des policiers qui la retrouvent dans son appartement. L’autre officier a la bonne idée de l’identifier sur une pochette de disque. Démarre alors une enquête à partir de « quelques îlots de lumière » comme le confie Juan Díaz Canales qui a découvert la musique de l’artiste par hasard… sur Spotify. « [L]a structure du livre essaye de refléter les difficultés que nous avons éprouvées. Elle illustre notre désorientation, notre déception, dans cette quête des différentes pièces manquantes du puzzle qu’est la vie de Judee Sill. » À la manière des séries télévisées d’aujourd’hui, la narration croise différentes époques, faisant fi d’un ordre chronologique, pour naviguer entre l’enfance de l’artiste au milieu d’un beau-père et d’une mère alcooliques et sa carrière de chanteuse, en passant par plusieurs périodes compliquées (décès du père, pension, centre de détention, drogues…).

L’esthétique de l’ouvrage s’inspire largement des lettrages psychédéliques propres aux affiches de la fin des sixties et du début des seventies, avec leurs couleurs flashy et leurs  sinueuses silhouettes, parfois tout juste lisibles (à déchiffrer pour découvrir le lieu du concert). Le crayon de Jesús Alonso Iglesias surfe sur ces volutes pour donner corps aux envolées sous acide de Judee Sill. On suit cette dernière dans ses rêves, ses cauchemars et ses accès de colère, entre bad trips et illuminations, dans une atmosphère propre aux années 70 avec le quartier mythique de Laurel Canyon. Si vous avez aimé la série Daisy Jones and the Six, plongez-vous dans cette bande dessinée qui rend hommage à une compositrice et interprète souvent touchée par la grâce mais injustement oubliée. Judee Sill traite en outre des affres de la création et soulève la question que tout artiste est amené à se poser un jour. « Gagner de l’argent en échange de ses rêves », comme le proposait son producteur Jim Pons, en vaut-il la peine ?

Dominique Demangeot

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