Hadrien Bels – Cinq dans tes yeux

ROMAN

L’Iconoclaste

Sortie le 19 août

Stress était adolescent dans les années 90, presque une éternité, quand Marseille ne se regardait pas encore le nombril à travers les réseaux sociaux. Bien sûr dans Cinq dans tes yeux il y a les couleurs un peu trop fluo, les scooters et les Air Max, les «dégradés-coupe au carré », mais le roman, loin d’enchaîner les clichés sur Marseille, lui livre au contraire un vibrant hommage. 

Hadrien Bels - Cinq dans tes yeux - Chronique romanStress, qui vit aujourd’hui de petits boulots en tant que vidéaste, envisage de réaliser un docu-fiction dans lequel ses anciens amis joueraient leurs propres rôles. Il faut dire qu’il en a des choses à raconter sur sa chère ville, qu’il ne peut se résoudre à quitter. Elle a bien changé Marseille, en vingt ans, suite à la fameuse « gentrification ». Le métissage dans le quartier du Panier en a pris un coup, les familles les plus modestes se voyant repoussées toujours plus loin du cœur de Marseille, dans ces quartiers Nord où « les gens se mélangent plus, ils restent dans les mêmes casseroles et ça fait des plats qui sont pas très bons », comme le disait Latifa, la mère d’un ami de Stress. En cette deuxième décennie du XXIe siècle, tous les potes de ce dernier, ou presque, ont quitté le Panier. Les temps changent, comme le scandait MC Solaar, même si la nostalgie n’a pas vraiment cours dans Cinq dans tes yeux.

Difficile en effet d’avoir le moral dans les chaussettes quand on savoure cette langue truculente, pétrie d’un deuxième degré très présent tout au long de ces 300 pages qui passent trop vite. Les dialogues, les descriptions sonnent vrais. Ils sont attachants, les personnages d’Hadrien Bels. Ils sont comoriens, algériens, Corses… L’auteur excelle notamment à dépeindre, en une phrase, les personnages. Ca tombe toujours juste, là où il faut, c’est drôle et concis. L’exercice est si bien rodé que l’on se demande s’il va tenir comme ça la distance sur un livre entier. On vous rassure, ça tient…

A Marseille, les immeubles tiennent moins bien, ils s’effondrent même parfois, la drogue (et le banditisme qui va avec) est également présente, mais la vie suit son cours. « Une ville trop propre ne me dit rien, elle me fait peur, à cacher ses névroses », souligne le narrateur qui en compte aussi quelques-unes, de névroses. Stress c’était le petit blond, l’enfant du centre-ville, vivant seul avec sa mère qui l’emmenait dans les vernissages à Aix et dans les cinémas d’art et essai. Fred au caractère bien trempé, mère célibataire engagée, directrice du Centre de la Prose qui écoute France Culture en buvant une verveine. Mais contre toute attente, Stress traîne dans les plans louches, « pour l’adrénaline et l’écran de fumée ». Cinq dans tes yeux qui a indéniablement la tchatche, mène aussi une réflexion, subtile, entre les lignes (de coke ?), sur la situation sociale de Marseille en 2020. Le roman pose par ailleurs un regard aiguisé sur le monde de la culture subventionnée (qui en prend pour son matricule). Cinq dans tes yeux est enfin un roman sur l’identité, ou plutôt les identités, celles dont on hérite pour le meilleur et pour le pire, dont on voudrait s’éloigner mais qui restent tapies dans l’ombre, même à quarante piges. On ne va pas vous révéler si Stress a pu mener à bien son projet de docu-fiction, mais Hadrien Bels, lui, a indéniablement réussi son roman marseillais.

Retrouvez Hadrien Bels à la rentrée au salon Livres dans la Boucle (www.livresdanslaboucle.fr)

chronique roman, cinq dans tes yeux, critique livre, hadrien bels, l'iconoclaste, Marseille

Powered by WordPress. Designed by Woo Themes

WordPress SEO fine-tune by Meta SEO Pack from Poradnik Webmastera