Adeline Dieudonné – Kerozene

ROMAN

L’Iconoclaste

Après le succès fulgurant, il y a trois ans, de La Vraie Vie, Adeline Dieudonné est de retour dans les librairies avec Kerozene, roman choral réunissant lors d’une nuit d’été quinze personnages (dont un cadavre… et un cheval). Des individualités réunies par le hasard, posant leurs bagages lourds, très lourds, dans une station-service des Ardennes belges.

Adeline Dieudonné - Kérozène - L'Iconoclaste - Chronique roman

Les familles communément appelées dysfonctionnelles, Adeline Dieudonné, ça la connaît. Son premier roman La Vraie Vie nous plongeait dans le quotidien sordide d’une adolescente devant composer avec un père chasseur et violent, et un jeune frère traumatisé par un événement pour le moins inattendu… Les rebondissements et les traumatismes, ils sont également nombreux dans Kerozene. Adeline Dieudonné raconte tout, serpentant avec virtuosité entre ces histoires qui peuvent se lire comme des nouvelles à part entière, courtes et sombres, parfois glaçantes, où le tragique côtoie l’absurde, comme lorsque le personnage de Julie se retrouve en couple, un peu malgré elle, avec son petit ami gynécologue dont les parents, gynécologues eux aussi, veulent s’assurer qu’elle fera une bonne mère… Le roman ne nous épargne pas grand-chose, les grossesses non désirées et celles désirées (voir notre trio de gynécologues plus haut), relations conjugales contrariées, quelques massacres, phobies et frustrations diverses et puis ce sentiment, tenace, d’avoir été abandonné, comme un dénominateur commun à tous ces personnages. Chelly a des envies d’ailleurs. Victoire se sent « confinée dans le grenier de son psychisme » tandis que Joseph a « honte d’exister »… Une frustration, qui mue parfois en colère et même en rage.

« C’est peut-être aussi à ce moment que j’ai senti que quelque chose déraillait. Pas dans ces termes-là, bien sûr, mais j’ai compris qu’une partie de moi s’était dissoute. »

La romancière met tout à plat, réunissant ses personnages un soir d’été dans ce no man’s land qu’est une station-service. Avec ses restaurants aux menus délavés et l’autoroute qui bruisse toute proche, on sent comme une sourde menace. Chez Adeline Dieudonné, le macabre n’est jamais bien loin. Elle écrit net, précis, et appuie là où ça fait mal pour remonter aux racines du mal. À la première ou à la troisième personne, Kerozene enchaîne des bouts d’existences, pointant du doigt des faits de société, un certain esclavage moderne avec une nounou philippine, la vieillesse ou encore la solitude. À peine le temps de s’attacher à un personnage qu’il faut déjà en découvrir un autre. Les scènes fortes s’enchaînent, parfois surréalistes comme cet employé d’un abattoir qui, le soir venu, étreint en pleurant sa truie domestique, un couteau tranchant dans la main. Les autoroutes, au moins, ça permet de fuir, échapper à son destin et peut-être s’écrire une nouvelle vie, quand on a de la chance.

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