Dominique Bona – Divine Jacqueline

BIOGRAPHIE

Gallimard

Sortie le 1er avril 2021

Celle que la presse américaine désigne en 1956 comme la femme la plus élégante du monde, incarnation d’un « style classique, intemporel » et adulée par les plus grands photographes de mode, vit aujourd’hui retirée des soirées mondaines à 91 ans. Dominique Bona publie une biographie passionnante de Jacqueline de Ribes, figure centrale de la jet set à partir des années 50, mettant en lumière à la fois une fibre féministe avant l’heure, une volonté farouche d’indépendance et un certain art de vivre qu’elle a si bien représenté.

Dominique Bona - Divine Jacqueline - Gallimard - Chronique livre

Jacqueline de Ribes a côtoyé les Windsor et les Pompidou, Yves Saint-Laurent et Jean-Paul Gaultier, Noureev et Chaplin (à qui elle apprendra, soit dit en passant, à danser le twist un soir sur la Riviera). Sa vie parmi « les grands de « son » monde », méritait bien une biographie. Dominique Bona, qui a déjà publié des ouvrages remarqués sur Romain Gary, Berthe Morisot, Colette, quitte le monde des artistes pour se pencher sur cette femme très bien née. Lorsqu’il s’agit de dresser la liste des hommes de sa vie, le premier est assurément son grand-père maternel, Olivier de Rivaud, personnage truculent qui, parti de rien, a fondé un groupe bancaire. Cet amour qu’il porta à sa petite-fille, Jacqueline de Ribes le recherchera longtemps dans les yeux d’autres hommes et du public de manière générale. De sa grand-mère maternelle, elle héritera son corps élancé et un certain goût de la mise en scène, son « art des entrées » comme l’écrit si bien Dominique Bona. « Elle est à sa façon une artiste, une artiste de soi. Car elle aime se créer. » S’il relate La fin d’un monde, comme l’avance l’ultime chapitre du livre, Divine Jacqueline n’est pas si déconnecté de notre époque actuelle avec le narcissisme des réseaux sociaux et leurs mises en scène quotidiennes. Lorsque Dominique Bona dépeint les bals extravagants auxquels l’initie son oncle Étienne de Beaumont, aristocrate fantasque, mécène et amoureux des arts, elle précise que « [l]e but en est moins le faste, encore qu’il soit loin d’être interdit, que de créer un monde illusoire et magique », la fête comme une « rupture avec l’habituel, avec le quotidien ».

« L’idée de déroger en exerçant un métier autre que militaire (pour les garçons) est encore très ancrée dans l’esprit de ces aristocrates d’Ancien Régime, convaincus que seules les femmes dans le besoin sont justifiées de travailler. »

À peine mariée, Jacqueline s’ennuie déjà dans la belle demeure de ses beaux-parents, même si elle apprécie leur affection dont sont dénués ses propres père et mère. Au domaine de la Bienfaisance, elle manque d’air, trouve un emploi à Paris Match – en cachette – où elle propose des conseils mode. À New York dans les années 50 et 60, le magazine Harper’s Bazaar lui offre une notoriété mondiale et son « fameux trait noir sur la paupière » fait des émules. À partir des années 70, les stars du cinéma et du sport sont les nouvelles personnalités en vue. Jacqueline de Ribes, curieuse de tout, met un pied dans cette nouvelle jet set. Mais son véritable accomplissement est peut-être cette détermination à s’extraire de cette prison dorée qu’est l’aristocratie. On la suit à Ibiza où elle va bâtir la première maison qui lui appartiendra vraiment (l’indépendance, toujours). Combative, elle parvient à empêcher des promoteurs de défigurer l’île au milieu des années 70, sauvant notamment deux cents platanes, combat particulièrement d’actualité !

Le travail lui offre par ailleurs un espace de liberté dont elle compte bien profiter, développant ses compétences en haute couture auprès de stylistes aussi prestigieux qu’Oleg Cassini et Emilio Pucci, assistant le marquis de Cuevas dans la création de ballets et produisant pour le théâtre et la télévision. « Rien ne s’obtient sans effort », réalise Jacqueline de Ribes en visitant un atelier de Christian Dior. Dominique Bona, si elle dépeint avec force détails le faste du gratin mondain, ne se départit jamais d’une distance discrète – et salutaire ! -, qui évite l’hagiographie ou l’admiration béate. « L’été, le troupeau se déplace selon le principe implacable de la transhumance », écrit-elle lorsque le beau monde délaisse les sports d’hiver pour passer en mode estival. La biographe pénètre en profondeur ce milieu privilégié, traque la faille derrière le glamour, tandis qu’une certaine nostalgie pointe nécessairement à la fin de l’ouvrage. D’ailleurs ce monde qui s’est étalé sur papier glacé durant la plus grande partie du XXe siècle, existe-t-il encore seulement ?

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