Bruce Springsteen – Letter To You

ROCK

Columbia

Le plus difficile à croire dans tout cela, c’est que le Boss ait dépassé les soixante-dix ans ! On ne l’a pas vu vieillir, ce cher Bruce. Il semble que ces cinquante dernières années aient défilé à la vitesse d’un cheval au galop, le genre de destrier nerveux représenté sur la pochette de son avant-dernier album Western Stars. L’opus qui nous intéresse, sorti le 23 octobre, présente le visage buriné du Boss, l’air sérieux dans une tempête de neige. Letter To You, album sombre ? Dans un sens oui, mais les guitares n’ont pas dit leur dernier mot. Voilà pour la première bonne nouvelle.

Bruce Springsteen - Letter To You - Chronique album

L’autre bonne nouvelle, c’est que Springsteen retrouve ses collègues du E Street Band (pour la première fois depuis la tournée The River de 2016). Un nouvel album très attendu et enregistré à l’automne 2019 dans les conditions du live en quatre petits jours (et sans overdubs). Comme le mythique album à la pochette rouge et noire. One Minute You’re Here semble d’ailleurs revenir au dépouillement guitare-voix de Nebraska, avant que ne se glisse à pas feutrés le E Street Band, qui se fait davantage entendre juste après sur la chanson titre. Le single Letter To You nous renvoie en effet au Springsteen que l’on connaît, redoutable dans les mélodies comme dans l’énergie qu’il sait impulser à son rock américain.

Alors il y a quoi, dans cette missive que nous envoie le Boss ? Une aura plutôt positive tout d’abord, contrairement à ce qui a pu ressortir dans les médias ces dernières semaines. Burnin’ Train repose sur deux accords principaux, arpèges et riffs carillonnants, distillant la même fougue que l’on connaît au bonhomme depuis plus d’un demi-siècle. Janey Needs A Shooter, Ill’ See You In My Dreams et d’autres titres sont du même bois. Certes, la mort est forcément un peu plus présente quand on dépasse les 70 printemps, on est tous la proie du temps qui passe comme Bruce le chante sur Burnin’ Train (« time is my hunter »). D’autant qu’il a récemment perdu son ami George Theiss côtoyé dans l’un de ses premiers groupes, les Castiles. Il y fait d’ailleurs référence dans la chanson et le clip de Ghosts (voir ci-dessous). On se souvient également du décès de Clarence Clemons, sax du E Street il y a quelques années, qui plane encore sur l’album et sur quelques titres.

Pourtant même lorsque Springsteen évoque, nostalgique, ses souvenirs emprisonnés sur de vieilles photos (Last Man Standing), il y a toujours un refrain pour ne pas oublier de danser. Il y a les paroles de The Power Of Prayer pour nous réchauffer à la lumière d’été, la très belle House Of A Thousand Guitars et sa touchante mélodie (égratignant au passge le « clown » de la Maison Blanche pour encore seulement quelques semaines, on l’espère), Rainmaker et sa lapsteel dénonçant les bonimenteurs professionnels. Quant au titre dylanien Song For Orphans avec l’indispensable harmonica, il nous rappelle aussi que le kid du New Jersey a été beaucoup influencé par la country en général, en la mariant au rock dans les années 70. Si Bruce Springsteen n’est plus vraiment l’avenir du rock’n’roll, pour reprendre la fameuse phrase du producteur Jon Landau à la sortie d’un concert du Boss en 1974, il en est en tous cas un des derniers monstres sacrés.

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