Au sein de sa compagnie Le Gourbi Bleu, Sandrine Pirès s’empare de la comédie-ballet de Molière écrite en 1665. Première adaptation d’un texte classique pour la compagnie alsacienne, L’amour médecin relate les mésaventures de Sganarelle, qui n’est pas ici le serviteur que l’on connait chez Molière, mais un riche bourgeois veuf qui s’oppose au mariage de sa fille unique, Lucinde.
Mais comme souvent dans les pièces de Jean-Baptiste Poquelin, les jeunes personnages ont de l’énergie à revendre et la rébellion chevillée au corps, un esprit frondeur qui pousse Lucinde à feindre la maladie pour attendrir son père… et accessoirement se faire soigner par Clitandre, faux médecin qui n’est autre que son prétendant. Sandrine Pirès a respecté l’esprit de la pièce d’origine et L’amour médecin mêle en effet théâtre, danse et musique, une pièce populaire et impertinente, qui fonce également tête la première dans les conventions pour mieux les dénoncer. C’est dans le même esprit que la metteuse en scène a souhaité parfois s’affranchir du texte d’origine.
“J’ai lu cette comédie-ballet de Molière dans un contexte très particulier : il s’agissait d’une œuvre au programme des Terminales spécialité théâtre que j’ai découverte durant le premier confinement”, explique la metteuse en scène dans sa note d’intention. “Le temps s’était comme arrêté. Ce sentiment d’empêchement… Entre mes mains, sous mes yeux, cette forme courte, précipitée, enlevée”. Un rire libérateur à une époque pour le moins anxiogène. Si Molière s’en prend ici encore à la médecine, Sandrine Pirès n’a pas souhaité traiter cet angle particulier, mais plutôt le théâtre comme “un moyen de dépasser la peur pour revenir au présent en riant, d’un rire réconfortant.” L’autre esprit convoqué est celui du théâtre de tréteaux, “d’impertinence joyeuse, un théâtre de troupe”.
Et la troupe à fort à faire, les interprètes devenant aussi machinistes selon les moments, et le public lui-même pourrait bien être invité à prendre part aux réjouissances… « Une forme foisonnante”, voici ce que souhaitait Sandrine Pirès ici, avec musique jouée en live, costumes, accessoires… Durant la pièce, les espaces sont transformés en direct, et la troupe des médecins est une troupe de marionnettes que l’on avait déjà pu voir dans le spectacle Hannah. « Assez vite, j’ai vu la scénographie comme un espace de jeu de construction”, souligne David Séchaud. On retrouve aussi l’atmosphère des théâtres ambulants à l’époque de Molière. L’amour médecin est également sans nul doute “une pièce à costumes”, comme le souligne encore Le Gourbi Bleu, avec des influences diverses, et notamment baroques : “dramatisation, contrastes, exubérance, profusion d’éléments, etc.”, explique Sandrine Pirès. Les époques vont aussi se télescoper à l’image des danses baroques ou plus populaires, orchestrées par la chorégraphe et interprète Aurore Allo.
– Dominique Demangeot –
L’amour médecin, Colmar, Salle Europe, 12 décembre à 14h30, 13 décembre à 15h
theatre.colmar.fr

