ROMAN
Editions Héloïse d’Ormesson
Parution le 21 août 2025
Cette “route qui t’emmène nulle part comme il y en a plein dans ce pays”, Eric et ses acolytes la prennent et emportent avec eux une bonne part de leurs bagages affectifs, relations de jeunesse pas vraiment achevées, non-dits, rendez-vous manqués. Ils doivent retrouver Ken Wahl de l’autre côté du continent. On parcourt “la pleine, […] l’endroit qui use les gens par sa monotonie”, l’Amérique des marges (le Midwest), et celle des fins de terres (Californie, Seattle). Jean Michelin en parle remarquablement bien, de cette Amérique avec “du bide et des regrets”, bel hommage aussi à la rébellion (qu’elle arrive dans la jeunesse ou plus tard) et à la soif de liberté que le rock a su incarner.
Toujours la même vieille histoire de la ruée vers le Pacifique, mais Jean Michelin a les munitions pour nous la raconter aux petits oignons, à l’image de ce personnage mystérieux, à qui Eric s’adresse durant les trois quarts du roman, bon moyen d’entretenir le suspens en suivant Obliterator sur les routes. Nous les moches s’intéresse à cette classe américaine plus ou moins moyenne, et quelque peu méprisée dans les médias, celle d’une « Amérique que tout le monde dit invisible mais qui obsède la classe politique ». Et puis, à bientôt cinquante balais, on « sai[t] plus faire », comme le dit Seth qui trimballe sa guitare dans les mariages et les bar-mitzvah pour gagner sa vie. Reste à savoir si cette virée américaine, d’Est en Ouest, va aider ces musiciens sur le retour à refermer quelques blessures secrètes. Les célébrités aussi peuvent se débattre avec leurs démons, à l’instar de Ken Wahl. Le « rocker centriste et consensuel de l’Amérique » retrouve dans les quelques chansons d’Obliterator une fougue et une fraîcheur qu’il craint d’avoir perdues. Jean Michelin nous rappelle que le rock reste un cri, « ce raclement lourd, ce grain féroce d’autrefois ».

