Après La vieille prodige, publié en mai dernier chez Le Tripode (voir notre chronique dans l’édition Diversions de l’été 2021), Brigitte Fontaine revenait cet automne aux affaires poétiques avec Vers luisants, suite de ses déambulations langagières par temps de confinement.
Comme avec son précédent recueil, l’autrice et chanteuse retourne une fois encore au temps béni de l’enfance qui semble lui avoir été si doux. Elle se remémore à nouveau cet âge des friandises, « syncope exquise », et dresse un éloge des sens en bonne et due forme, le sens du goût en particulier, quitte à frayer avec la junk food ! Mais c’est si bon. Il faut dire que Brigitte Fontaine s’est rarement inquiétée des bienséances, et l’artiste replonge donc volontiers dans l’ivresse. Armée de sa poésie épicurienne, l’artiste se fait à la fois « démon et archange » dans ce nouveau recueil qui est la suite logique de La vieille prodige. Toujours bien accompagnée par son musicien de compagnon Areski Belkacem, son tout aussi fidèle lévrier et un chat blanc roux auquel elle s’offre en esclave, Brigitte Fontaine fait même des rêves de Lolita comme elle le suggère dans le poème Cheveux d’ange, que l’on imaginerait très bien en texte de chanson, tout comme Embrassons-nous et Les fruits confits.
L’autrice quitte la prose de La vieille prodige est s’engage davantage ici sur la voix de la versification. « Dansez dessus mes vers luisants comme un parquet de Versailles », chantait Nougaro. Les mots de Brigitte dansent indéniablement, poésie inclassable et décomplexée à l’image de sa créatrice. Brigitte Fontaine se voit certes encore parfois empêchée par les amarres corporelles, ces « épines dorées dorsales » qu’elle chantait déjà dans La vieille prodige, mais « la pauv’ Brigitte est héroïque », et depuis son lit nous envoie de nouvelles salves poétiques, tout fruit confit qu’elle soit. Des ondes douces amères, plus douces qu’amères et plus acerbes que douces ! Dans Vers luisants, sa poésie tourne à plein régime, évoque l’amour, le mariage, exhumant de l’oubli le premier baiser. Brigitte ressort même du placard l’adjectif argotique « seulabre », et fait fi des ponctuations pour s’envoler vers des cieux plus doux.
– Dominique Demangeot –