St. Vincent – Daddy’s Home

FUNK POP SOUL

Loma Vista/Virgin Music

Annie Clark enfourche ses semelles compensées pour évoquer son père sorti de prison en 2019. Le bien nommé Daddy’s Home est dès lors son album le plus personnel, St. Vincent délaissant son électro pop moderne pour une musique inscrite dans les années 70, teintée de soul et de funk. Pourtant les paillettes et les strass ne gardent pas toujours la mélancolie à distance. Un virage artistique total et réussi depuis le succès, il y a déjà quatre ans, de Masseduction placé dans le Top Ten US.

St. Vincent - Daddy's Home - Chronique album

Le récit de l’incarcération paternelle, déjà abordée entre les lignes du titre Strange Mercy en 2011, fait ici œuvre de catharsis. L’artiste caméléon (on la retrouve blonde platine, on l’a connue jadis brune, bardée de cuir, de soie ou de dentelle) reste encore discrète en France alors qu’aux États-Unis la futée a déjà remporté plusieurs Grammys bien mérités. C’est aux mythiques studios new-yorkais Electric Lady que la chanteuse guitariste à mis en boîte l’album, bien escortée par le producteur aux manettes d’or Jack Antonoff. St. Vincent nous offre onze titres (+ trois interludes) qui détonnent dans la production actuelle. Le spectacle ne fait que commencer comme elle le chante sur le titre d’ouverture. Il est vrai que Daddy’s Home a le groove à tous les étages.

Si Pay Your Way In Pain conserve des éléments modernes et hip-hop dans la lignée de Masseduction, la suite de ce nouvel album s’inscrit majoritairement dans une veine seventies soul et funk (mid-seventies pour être précis). Musique organique/orgasmique (allez organismique, inventons des adjectifs), lardée d’orgues Wurlitzer et autres Clavinets, ou de sitars qui se pâment avec l’image de Down and Out Downtown. Un morceau tout en nuances comme sur beaucoup de titres ici. On retrouve la sitar sur le planant et parfois lyrique Live In The Dream avec un rare moment où St. Vincent empoigne la guitare pour un solo « princier ». Le temps s’étire aussi sur The Laughing Man, rock planant à la limite du trip-hop, voire du rock cosmique d’Electric Ladyland.

Jack Antonoff fait des merveilles en juxtaposant sur cette soul frétillante – c’en serait presque cochon des fois – une texture sonore particulièrement complexe, le disque supportant sans peine plusieurs écoutes. The Melting Of The Sun évoque Nina Simone, Tori Amos, Marilyn Monroe et Joni Mitchell, des modèles pour St. Vincent qui ont, chacune à leurs époques, ouvert la voie aux luttes féministes. Comme avec Chemtrails Over The Country Club de Lana Del Ray (voir la chronique ici), Daddy’s Home revendique une certaine indépendance vis à vis de quelques diktats sociaux. Candy Darling, dernier titre au doux parfum de nostalgie, paie son tribut à une autre idole de St-Vincent, la muse transgenre de Warhol qui prit sa part de combats elle aussi. Dans Somebody Like Me, St. Vincent évoque sa sexualité ouverte, folk légère pour chasser les préjugés (« Oh, I guess we’ll see who was the freak »). Juste après, la chanteuse s’interroge sur les injonctions sociales à être parent sur My Baby Wants A Baby, dont le couplet cite le tube du début des années 80 Morning Train de Nine to Five. On est loin ici du message original de la femme attendant sagement son époux à la maison. Daddy’s Home traite peut-être du thème du père, mais c’est pour mieux valoriser la puissance de la fille.



funk, jack antonoff, seventies, soul, st. vincent

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