Rover – Eiskeller

POP

Wagram Music/Cinq 7

Ces derniers mois, on nous a rebattu les oreilles avec ces petits et obstinés véhicules qui parcourent le sol martien. Perseverance, Curiosity… On préfère pour notre part le Rover de chair et d’os, alias Timothée Régnier, grand escogriffe d’au moins 1 mètre 90 (on a pas la taille exacte) qui part lui aussi sans mal vers les sphères célestes. En guise de fusée de lancement : une pop abreuvée à ce qui se fait de mieux en matière de musique anglo-saxone (les Fab Four et Radiohead pour la faire courte), entre sous-bois ombragés et hautes couches atmosphériques.

Pour entrer dans l’univers de Rover, absent des studios depuis six ans, on ne va pas mettre un grand coup de tatane dans la porte. On va y entrer en douceur, chez Monsieur Rover, poser un index timide sur la sonnette en attendant qu’on nous ouvre. Dans l’entrebâillement de la porte, on distingue une silhouette ursine qui se détache sur la brume mélodique de To This Tree. On est arrivés chez Rover. La guitare électrique lève un brouillard blanc. Le brouillard de Bruxelles, probablement, sous un ciel bas. C’est au sein d’anciennes glacières de la capitale belge, où l’artiste réside depuis quelques années, que Rover a enregistré son nouveau disque. Un peu comme un moine en quête d’introspection, il s’est délibérément affranchi du bruit moderne et dans ce lieu pour le moins austère a poli, avant et pendant le confinement de l’an dernier, les treize titres de Eiskeller. Il a ensuite confié le bébé aux mains expertes des ingés son des studios ICP bruxellois.

Cet artisan d’une pop toute britannique (même si c’est à New York que l’artiste a grandi), aime les arrangements aux petits oignons où va se lover un timbre tout en finesse, une voix d’ange qui serpente sur Roger Moore, morceau au flegme britannique, à l’image de l’inoubliable incarnation de James Bond, et qui rappelle la finesse mélodique des deux premiers albums. Si certains titres se parent d’acoustique comme les liverpooliens From The Start et Woys, Burning Flag impose un rythme plus tendu, même si des sonorités d’orgue adoucissent la basse ronde et musclée. Silent Fate est du même acabit même si la voix monte haut là encore, le son pur comme du cristal. Il n’est pas étonnant que Timothée Régnier ait placé ce troisième album sous le signe de la glace, comme en atteste son titre, Eiskeller, « cave à glace » dans la langue de Goethe. On imagine aisément Rover tapi dans sa tanière froide, arrangeant la prog électro de Venise Hat (les mains protégées dans des moufles ?), travaillant les effets sur les voix, les démultipliant à l’envi comme l’autorise aujourd’hui la technologie.

À d’autres moments, Rover part dans des couleurs lo-fi, comme avec la chanson-titre captée sur téléphone portable et montée sur un quatre-pistes analogique, façon Nebraska de Springsteen. Le résultat : un morceau bref à l’ambiance éthérée et mélancolique, voix toujours égarée dans un brouillard. Sur Cold And Tired, le chant est une fois encore trituré, l’artiste le passant à la moulinette d’un Auto-Tune. Et voici donc l’autre facette de ce troisième album qui propose parfois des échappés sonores, expérimentales, toujours mélodiques (comme le subtil I Still Walk que n’aurait pas renié Thom Yorke). Le chanteur explore encore et s’excuse même à un moment, s’étant trompé mais souhaitant cependant conserver l’esprit live du morceau. Tel un ours qui jouerait du violon en virevoltant sur des patins à roulettes dans un magasin de porcelaine, Rover parvient cependant à retomber sur ses grosses patounes sans péter une seule assiette, entre pop translucide et errances fantomatiques.

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