ESSAIS
Folio Poche
Parution le 15 mai 2025
Folio Poche publie un recueil de l’auteur américain qui s’était fait connaitre avec son roman Les Élus du Seigneur, paru en France en 1957. Une collection d’essais plaçant l’identité au cœur du propos.
L’identité, une thématique qui dépasse largement la communauté afro-américaine. “La nécessité qu’ont les Américains de réaliser une identité est un fait historique”, écrit d’ailleurs James Baldwin qui exprime en particulier ses efforts pour concilier ses cultures africaine et américaine. Datant des années 50 et 60, ces écrits réunis dans Personne ne sait mon nom résonnent avec toujours autant de force de nos jours, notamment après les récents événements autour de Black Lives Matter. James Baldwin nous rappelle que ces années ont été charnières. “Les questions que l’on se pose commencent enfin à illuminer le monde”, écrivait-il au tournant des années 60.
Dans Cinquième Avenue, quartier nord : une lettre de Harlem, James Baldwin évoque aussi les conditions difficiles dans lesquelles il a grandi, dénonçant “[l]a faillite morale et sociale que révèle cette misère”. Harlem agit ainsi comme un révélateur de “la véritable attitude du monde blanc” et du système capitaliste en général. Baldwin a cependant pris ses distances avec le communisme, tout en déplorant l’assassinat de Patrice Lumumba en République du Congo en 1961. Le romancier n’oublie d’ailleurs pas l’Afrique et sa “montée […] dans les affaires mondiales”. En 1956, il assiste au Congrès des écrivains et artistes noirs à la Sorbonne, prise de conscience de “la nécessité de reconstruire le monde à leur propre image”. Une première étape, par le biais de l’art, de l’auto-détermination que prône notamment Aimé Césaire. Reste cependant aux Afro-Américains à regarder en face leurs rapports troubles avec l’Afrique. De plus, comment faire l’unité dans ce “pays incohérent” ?
Dans les années 1950, artistes et intellectuels sont également nombreux à aller voir si l’herbe est plus verte en Europe. C’est là-bas que Baldwin croise Norman Mailer, chez le romancier Jean Malaquais. Mailer, symbole de “la masculinité américaine”, là encore une thématique d’actualité aujourd’hui. Baldwin semble pourtant s’éloigner du message actuel de Black Lives Matter, puisqu’”il faut souhaiter ardemment qu’il ne soit bientôt plus important d’être noir”, pensait-il déjà à l’époque. La masculinité (et l’homosexualité) sont aussi abordées à travers l’angle de Gide, masculinité que Baldwin compare à une prison. Face aux grandes figures littéraires (quelque peu écrasantes) que sont Hemingway, Faulkner, Dos Passos et Fitzgerald, James Baldwin fait partie d’une nouvelle génération d’auteurs. Charge à lui et d’autres de dénoncer et surtout d’expliquer “cette complaisance américaine qui réussit si mal à masquer la panique.” Car c’est l’un des rôles majeurs de l’écrivain selon lui : “aider à exhumer la conscience de ce pays”. De la Sorbonne à Harlem, en passant par le Sud esclavagiste, où la ségrégation n’est pas de l’histoire ancienne dans les années 60, James Baldwin soulevait quelques problématiques majeures de l’époque qui courent encore de nos jours, dans le prolongement d’un premier recueil de textes des années 40 et 50, Chroniques d’un enfant du pays.
Paul Sobrin