Carl Safina – À l’école des animaux

ESSAI

Buchet-Chastel / La Librairie Vuibert

De la mer des Caraïbes à l’Ouganda, en passant par la forêt péruvienne, Carl Safina a traversé le globe pour étudier de (très) près les comportements d’animaux dans leurs milieux naturels. L’auteur, spécialiste de la vie marine, a voulu savoir s’il était pertinent de parler de culture en ce qui concerne le monde animal. Les comportements des animaux sont-ils régis, comme pour l’homme, par autre chose que leurs gènes ? Trouve-t-on un apprentissage, une transmission de connaissances à travers les générations animales ?

Carl Safina - A l'école des animaux - Buchet Chastel - Chronique livre

Pour réfléchir sur cette opposition entre inné et acquis, Carl Safina a choisi d’étudier, auprès de spécialistes, trois espèces animales en particulier : les chimpanzés, les aras et les cachalots. L’auteur, après s’être intéressé au sourire des animaux, se penche cette fois sur leurs capacités à apprendre et à se constituer une culture à part entière. Grâce à leurs sonars sophistiqués, les cachalots communiquent, mènent de véritables dialogues en se basant sur un code constitué de clics, pour indiquer à quel groupe ils appartiennent. La beauté tient une place importante dans les interactions sociales des perroquets aras et l’on découvre que les chimpanzés, s’ils peuvent s’affronter lors de véritables guerres, ont aussi appris à apaiser les tensions au sein de leurs communautés.

Lorsque Carl Safina part à la recherche de « la créature réelle, menant sa vie authentique », il nous incite surtout à déconstruire nos représentations humaines, trop humaines, autour de l’animal. Évoquant notamment les théories de l’évolution de Darwin (mais aussi de Wallace que l’on a tendance à oublier), il nous explique, au moyen de nombreux exemples, que le monde animal n’est pas un agrégat de membres indifférenciés, à l’instar des cachalots qui « sont toujours des individus au sein de familles, des êtres dont l’existence est marquée par des détails aussi vivants et présents pour eux que ceux de notre vie le sont pour nous. » Cette « raison » chez l’animal, à laquelle fait référence Darwin, voilà peut-être la ligne de démarcation que beaucoup de nos congénères humains se gardent bien de franchir, parce qu’abolir la frontière entre l’homme et l’animal, revient à admettre que l’humain est un animal comme un autre (ce qu’il est).

« En réalité, nous ne faisons qu’effleurer le monde épais, vaste, densément habité qui s’étend au-dessous de nous. »

À l’école des animaux évoque aussi cette biodiversité tellement malmenée de nos jours, dans les mers et dans les forêts, « une immense mégalopole de vies et de Vie » que Carl Safina fait s’animer sous nos yeux, dépeignant avec un vrai talent de conteur la symphonie de la forêt péruvienne. L’auteur, qui milite pour une observation de l’animal dans son milieu naturel (« Peut-être serait-il préférable que nous la bouclions un peu pour tenter d’écouter »), suggère aussi que la vie est un mystère et qu’il convient d’aller voir tout cela de plus près. Il rappelle enfin les massacres que nous perpétrons sur les espèces animales, déforestation et agricultures représentant aussi des dangers pour la biodiversité. On ne s’étonnera d’ailleurs pas que les chimpanzés, les plus proches de nous sur le plan génétique, avec « une histoire évolutive presque intégralement commune, des identités largement identiques », puissent faire preuve de vanité et de violence… à l’instar de leur cousin dans l’évolution, l’homo sapiens. Dans cet ouvrage plus que nécessaire, Carl Safina fait remarquer que nous sommes partie intégrante du règne animal, appelant à davantage d’humilité. Quitter nos œillères comme le suggère encore l’auteur puisque « [l]e monde entier continue d’appeler. »



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