FOLK
Anti/Epitaph
Il semble loin le temps où l’on voyait Ben Harper taquiner sa Weissenborn au milieu d’un bowl de skate, dans le clip Ground On Down en 1995. Depuis, le chanteur guitariste a fait du chemin, devenu bon mari et bon père de famille, et il a conservé son skate. Il n’a pas oublié non plus de se faire plaisir en enregistrant avec l’harmoniciste Charlie Musselwhite ou encore The Blind Boys Of Alabama, entre autres. Il se fait encore du bien (et à nous aussi) en proposant cet automne un album entièrement acoustique, lap steel bien calée sur les genoux.
Il faut tout de même en avoir, en cette fin 2020, de la part de l’artiste comme du label, et compter sur un public fidèle pour sortir un album sans paroles (sans chansons, en fait), mais un album de musique, ça, c’est sûr. Avec Winter Is For Lovers, Ben Harper retrouve sa fidèle lap steel, instrument originaire de l’île d’Hawaii que se sont notamment approprié les musiciens de country et de blues, qu’il avait remis sur le devant de la scène au début des années 90 dès ses premiers albums. On a tendance à oublier l’importance que le chanteur a eu dans la résurgence d’une scène acoustique et folk, à une époque où le grunge et l’eurodance squattaient les charts. Cette nouvelle livraison nous le rappelle, avec sa belle pochette d’un couple s’étreignant dans la blancheur hivernale, une scène qui contraste avec toute les saloperies qui circulent en ce moment dans le monde (et on ne parle pas que des virus).
Chaque piste de Winter Is For Lovers est un hommage à un lieu qui tient à cœur à Ben Harper, du désertique et mystique Joshua Tree à Harlem, de Londres à Paris (d’autant que l’artiste entretient un lien particulier avec le public français). À écouter les doigts du Californien courir sur sa lap steel (acoustique exclusivement), on mesure à quel point il existe un « son » Ben Harper, cette façon très personnelle de caresser les cordes, et de faire surgir ses mélodies sur cette suite musicale vierge de toutes paroles, l’Americana dans sa pure essence. Pour faire bref, des influences larges comme un bras du Mississippi, allant de la country au blues. Il est arrivé à Ben Harper d’aller aussi du côté du rock et du reggae, mais ce Winter Is For Lovers constitue bien le cœur de son art et n’est que folk inspirée, respirations acoustiques et frémissements du blues.