Cette saison, l’une des thématiques du Théâtre GRRRANIT Scène nationale nous transporte en Corée du Sud, aux côtés de la chorégraphe Eun-Me Ahn. Trois occasions de découvrir son univers avec Post Orientalist Express, Dragons et enfin 1’59, qui mobilisera en avril 50 danseurs amateurs, entre chorégraphie et théâtre.
Figure majeure de la danse asiatique mais aussi internationale, Eun-Me Ahn s’est initiée tout à la fois aux rituels chamaniques et à la danse contemporaine (elle passera plusieurs années à New York), d’où ce mélange savamment dosé dans son travail entre mysticisme et modernité, Orient et Occident. Post Orientalist Express est sa dernière création en date (mai 2025), qui nous invite à (re)visiter les traditions de l’Asie, mais aussi les clichés ou en tous cas les représentations qui lui sont attachées. “L’Orient fait de longue date l’objet de fantasmes et de fascination en Occident. Cette vision a souvent été intégrée en Asie même et parfois déformée pour s’y conformer”, explique la compagnie d’Eun-Me Ahn. La pièce parle donc aussi d’identité et revêt par ailleurs une dimension politique, entre culpabilité post-coloniale et regain de nationalisme en Asie. Post Orientalist Express veut se situer entre les deux. Le spectacle regorge alors de symboles de l’Asie, qu’il s’agisse des légendes et des musiques, sans oublier les costumes, toujours flamboyants chez Eun-Me Ahn. Cette dernière met à profit ces différents clichés pour mieux les détourner.
C’est un trait d’union entre l’Orient et l’Occident que souhaite bâtir la chorégraphe, abolir une certaine frontière, “franchissant les seuils culturels pour donner un nouveau cadre d’expression au langage corporel à travers l’Asie”, explique Eun-Me Ahn. Par-delà l’exotisme qui s’est répandu notamment au milieu du XIXe siècle, ce que l’on appela orientalisme, elle souhaite plutôt détourner tout cela pour théoriser (mais de manière très physique au plateau) un post-orientalisme. “De quelles phrases une nouvelle forme de danse peut-elle accoucher et par quels moyens ce nouveau discours traverserait les frontières des nations et continents, des langues et des cultures?” Eun-Me Ahn nous embarque alors à bord du Post-Orientalist Express, où elle a entreposé, selon ses propres mots, “la lumière brûlante du soleil, les averses soudaines, les vents tourbillonnants, les gouttes de sueur”, entre autres éléments. Une entreprise de déconstruction/reconstruction.
En janvier à Belfort on changera ensuite de véhicule pour cheminer cette fois sur le dos des dragons, le titre de la pièce de 2021. Dragons réunit cinq jeunes danseurs venus de cinq pays d’Asie, s’inscrivant eux aussi entre tradition et modernité. Une tradition dont le dragon est une figure centrale, symbole de joie et d’optimisme. Pour donner vie à ces créatures mythiques, il y a les corps des danseurs, prêts à toutes les exubérances, mais aussi les nouvelles technologies et les hologrammes en particulier. La tradition pour tenter de percevoir les enjeux contemporains : “comment pouvons-nous comprendre le dragon?”, s’interroge Eun-Me Ahn. “Par « Nous », je veux dire les gens d’aujourd’hui, déçus par la promesse d’une prospérité partagée apportée par la mondialisation”. La chorégraphe propose alors une version contemporaine de la figure du dragon, en s’inspirant de la génération Z, les jeunes nés en l’an 2000… sous le signe du Dragon. Face à une uniformisation rendue inévitable par la mondialisation, des traditions régionales perdurent cependant, en danse notamment. “Des cultures contemporaines et vernaculaires de danse apparemment similaires se développent chacune de façon singulière”, remarque la chorégraphe.
– Dominique Demangeot –
Belfort, Théâtre GRRRANIT Scène nationale, Post Orientalist Express, 19 décembre à 20h
www.grrranit.eu/agenda/post-orientalis-express
Dragons, 13 janvier à 20h
www.grrranit.eu/agenda/dragons


