Andreï Makine – L’ami arménien

ROMAN

Grasset

En Sibérie au début des années 70, le narrateur du dernier roman d’Andreï Makine fait la connaissance de Vardan. Les deux adolescents se lient d’amitié à l’école, « fourmilière régie par des lois de rivalité féroce et le mépris pour les faibles », comme une antichambre du monde réel. La première personne de ce roman ne fait pas de doute sur la dimension fortement autobiographique de L’ami arménien. Andreï Makine fut cet orphelin de Sibérie, dont la rencontre avec Vardan va bouleverser l’existence.

Andreï Makine - L'ami arménien - Grasset - Chronique roman

Vardan est persécuté par les jeunes de son école, moins pour la maladie pulmonaire dont il souffre que pour ses origines arméniennes et la douceur qui émane de lui. L’adolescent exilé avec « cet air de vieil homme, sage et détaché », peut paraître faible mais possède une grande force intérieure. À travers ce dernier, le narrateur découvre alors la destinée tragique du peuple arménien. Vardan et les siens n’ont pas hésité à parcourir 5.000 kilomètres pour rejoindre leurs proches, accusés de séparatisme antisoviétique et encourant de lourdes peines de prison.

Andreï protège Vardan, mais trouve aussi auprès de lui la famille qu’il n’a jamais eue. Au « Bout du diable » où ont atterri les Arméniens, le narrateur commence à appréhender le monde différemment, se détachant peu à peu de la culture soviétique totalitaire. De Vardan, il apprend aussi qu’il est possible de trouver de la beauté et de la poésie dans ce monde, pourtant hostile et violent. Pour Vardan en effet, un regard vers le ciel compte davantage qu’un match de foot viril, « la préfiguration de toute une existence, cette guerre d’usure qui ne leur laisserait pas le temps de lever les yeux vers le mouvement des oiseaux éclairés par le soir d’une fin d’été ».

Les quelques semaines passées avec Vardan vont aiguiller Andreï Makine sur une voie qui le mènera finalement à l’écriture : « Je me sentis péniblement muet, ne sachant pas encore que le désir de partager cet instant de beauté était le sens même de la création ». Cinquante ans plus tard, l’auteur fait (re)vivre son ami arménien, et la mémoire d’un peuple, nous entretenant de l’exil, lui qui est arrivé clandestinement à Paris en 1987. Il démontre comment les émigrés apportent leur culture avec eux pour « gravir les tréteaux d’une existence vacillante, […] installer un décor où se joue le drame de leur exil ». La langue d’Andreï Makine, à la fois classique et personnelle, traduit une retenue, une mise à distance qui est avant tout une marque de respect face à la tragédie arménienne. Comme la neige qui recouvre tout dans cette région glacée de Sibérie, ce roman baigné d’une lumière de « journée d’automne, lente et ensoleillée », apporte de la douceur à une réalité trop cruelle pour être regardée en face. Mais il n’oublie rien.

andreï makine, arménie, critique livre, grasset, gulizar, roman, sibérie, vardan

Powered by WordPress. Designed by Woo Themes

WordPress SEO fine-tune by Meta SEO Pack from Poradnik Webmastera