Agnès Mathieu-Daudé – Marchands de sable

ROMAN

Flammarion

Parution le 30 août 2023

Suzanne passe les vacances en compagnie de sa belle-(et riche) famille, son beau-père Ercole Signorelli ayant fait fortune dans la fabrication de roulements à bille. Vivant à Londres en compagnie de ses trois garçons et de son époux Paolo, elle séjourne quelques semaines en Sardaigne, à Cagliari, et si elle tente de donner le change, Suzanne s’aperçoit que sa vie lui échappe.

Agnès Mathieu-Daudé - Marchands de sable - Flammarion - Chronique dans le magazine DiversionsLa mère de famille a beau avoir passé une enfance modeste dans le sud de la France, le soleil sarde finit tout de même par l’ennuyer. Alors que le tourisme de masse rogne peu à peu le littoral maltraité par les yachts, et que les ressources naturelles sont mises à mal, Suzanne ouvre peu à peu les yeux sur le monde qui l’entoure. Agnès Mathieu-Daudé croise nos travers contemporains (pollution et corruption allant souvent de pair), et balaie tout un pan de l’histoire trouble de l’Italie, de l’avènement du fascisme jusqu’aux années de plomb des années 1970. De nos jours, le capitalisme s’incarne dans la réussite des Signorelli, famille d’industriels qui a fait sienne cette devise semblant aujourd’hui la norme : « produire et acheminer à peu près tout, de plus en plus vite ». De la grande Histoire, on passe à l’histoire intime, et Agnès Mathieu-Daudé d’évoquer aussi le poids de l’héritage familial et ces couples qui « croissent sur des impostures ».

Mais le rêve du beau-père Ercole, sa cité du pétrole qu’il aurait baptisée Petrolia, vient se fracasser sur le réel, à l’image de la ville de Carbonia en Sardaigne, imaginée et construite par Mussolini pour accueillir les mineurs afin d’assurer en partie l’autosuffisance italienne. On sait comment tout cela s’est terminé. Le roman explore cette frontière parfois mince entre fascisme et capitalisme. Jusqu’où l’esprit d’entreprise et la volonté de réussir peuvent-il mener ? À Cagliari comme ailleurs, le luxe le plus ostentatoire côtoie la misère la plus abyssale. Pauvreté locale et immigration se côtoient, sans que cela ne semble troubler le moins du monde les riches vacanciers. La rencontre avec Giulia, guide sur l’île, dévoile à Suzanne un monde dont elle soupçonnait l’existence, sans avoir vraiment le courage de le regarder en face. La militante écologiste pourrait bien être le grain de sable grippant la belle machine élaborée par la famille Signorelli. Suzanne sera-t-elle de ceux qui savent « regarder ailleurs pour pouvoir continuer », comme le dit Giulia, ou aura-t-elle le courage de faire face à ses contradictions, quitte à mettre sa situation personnelle en danger ?

Dominique Demangeot

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