À partir du mardi 18 novembre, le Théâtre national de Strasbourg évoquera l’exil en provenance du sud-est asiatique avec la dernière création de Marine Bachelot Nguyen, Boat People. L’expression a marqué les mémoires dans les années 1970. Qui de cette immigration que l’on nous a présentée (et que l’on nous présente encore) comme « exemplaire » ? La metteuse en scène de la cie Lumière d’août poursuit ses recherches autour des récits franco-vietnamiens.
La pièce évoque tout d’abord les dangereux périples de celles et ceux qui ont fui les régimes autoritaires du Vietnam, du Cambodge ou du Laos vers l’Europe, mais aussi les modalités d‘accueil en France. Marine Bachelot Nguyen a exhumé des récits souvent gardés secrets, ou manquants, “[d]ans le théâtre contemporain comme dans les livres d’histoire”, précise l’autrice et metteuse en scène rennaise. “Les exils, les traumatismes, la pudeur, la pression de l’intégration, tout comme la course de l’histoire, créent souvent des silences et des récits absents ». Elle est allée recueillir ces témoignages d’exilés et de personnes qui les ont accueillies, dans plusieurs régions de France pour obtenir différents points de vue, tout en menant également des recherches historiques et sociologiques.
Si les réseaux sociaux n’étaient pas là pour documenter les traversées, les arrivées en France et dans d’autres pays occidentaux, le choc des images, dans les médias, fut cependant bien présent, et l’élan de solidarité nationale au rendez-vous. La France a accueilli pour sa part 130 000 réfugiés du sud-est asiatique, qui font aujourd’hui partie de la société française, ayant fait leur vie en France, fondé des familles. L’humanitaire français et international, émergeant à l’époque, est aussi envisagé dans Boat People, “avec ses générosités comme ses ambiguïtés : bateaux pour sauver et soigner, déclarations humanistes, nouveaux éléments de discours, « fin » des grandes idéologies…”, précise Marine Bachelot Nguyen. Avec cinquante ans de recul, les questions surgissent. “Qu’est-ce qui se joue en termes de projections, de fantasmes, de vécus, de rencontres de chaque côté ? Et qu’en reste-t-il aujourd’hui ?” Dans la pièce, les personnalités politiques et intellectuelles vont croiser les anonymes, pour là encore bénéficier d’un panel de regards divers.
Boat People nous présente deux familles, l’une française, l’autre vietnamienne, la première accueillant la seconde chez elle dans un petit village. « La rencontre, la confrontation entre les individus de ces deux cellules familiales, aux histoires complexes et tourmentées, me semble à même de cristalliser matière sensible et historico-sociologique, problématiques humaines et politiques », précise Marine Bachelot Nguyen. Les comédiens et comédiennes pourront incarner d’autres figures plus historiques (la vidéo permettra aussi de faire surgir au plateau l’actualité des années 1970). La metteuse en scène a également invité l’actrice et marionnettiste Dorothée Saysombat, qui s’inspire de la tradition des marionnettes sur l’eau du Vietnam, pour conter des traversées périlleuses qui font immanquablement écho aux exils d’aujourd’hui.
Boat People, Théâtre national de Strasbourg, du 18 au 28 novembre
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