Cet automne, la cie Graine de Vie donnera les premières représentations bourguignonnes de sa nouvelle création. Des Histoires invisibles que Laurie Cannac est allée glaner au Bangladesh.
Les esprits du Bangladesh sont différents, mais ils remplissent la même fonction que les fantômes dans nos sociétés occidentales, “une manière d’expliquer l’inexplicable, d’éloigner nos peurs en les éprouvant, et de nous réconcilier avec la nature”, souligne la cie Graine de Vie. Car si la pièce laisse une grande place au merveilleux, elle aborde également la thématique de la crise écologique. Laurie Cannac va donc convoquer les Bhoot, esprit bengalis, “plus liés à la nature qu’aux défunts”, précise Graine de Vie. “Partout au Bangladesh, les fantômes d’arbres, les Gesho Bhoot hantent, comme des sentinelles, les lieux où on eut l’impudence de les couper”. La flore se rebelle comme l’a découvert Laurie Cannac en recueillant les contes magiques du Bangladesh. Le banian, grand figuier des régions tropicales, est le siège de la Petni, spectre de la femme déçue. La femme battue possède elle aussi son esprit, la Shakchuni. La vengeance n’est pas loin… Le Mesho Bhoot hante quant à lui les rivières. « [Le regard du Mesho Bhoot se planta droit dans le mien”, explique Laurie Cannac, “j’y lus que sa comique obsession pour le poisson avait un sens en 2025 : quémander une part pour la nature à la surpêche.”
À la faveur de la tournée de sa pièce Faim de loup en 2023 dans la capitale du Bangladesh, Laurie Cannac découvre la culture bengali. Histoires invisibles est une commande de l’Alliance française de Dhaka, l’occasion pour la marionnettiste de mettre en lumière, par-delà les maux qui touchent le pays (surpopulation, catastrophes climatiques…), “des énergies positives, un enthousiasme pour la vie, la liberté, la concorde et le dialogue”, explique la compagnie. Laurie Cannac a exploré les traditions orales de différentes communautés (bouddhistes, soufis, musulmans, chrétiens…) pour réunir ces histoires de fantômes. Elle a travaillé aux côtés d’une équipe artistique et technique bangladaise et avec un danseur-marionnettiste bangladais. Pour Histoires invisibles, l’équipe artistique et technique sera franco-bangladaise. La création évoquera tour à tour l’élément liquide, à la fois mère nourricière et ennemi destructeur, et les Sundarbans, forêt de mangroves de la baie du Bengale, où la biodiversité est particulièrement riche mais en danger. Laurie Cannac opère aussi un parallèle avec nos propres forêts françaises. “Fragilisées par le changement climatique, des essences entières y succombent aux maladies, au milieu d’un sous-bois dévasté par la pyrale du buis”. Pourtant comme le note encore Graine de Vie, « [l]’objectif est d’aborder les sujets graves avec humour, enthousiasme et poésie. Le travail technique se concentrera sur la représentation de l’invisible par le jeu, le mouvement, la matière, et la marionnette de corps.”
– Dominique Demangeot –
Histoires invisibles, Dijon, ABC (Théâtre des Feuillants), 16 octobre à 20h
abcdijon.org
A voir également à Cluny, Théâtre Les Arts, 14 octobre à 20h (www.association-antipodes.fr/festival)